vendredi 4 avril 2008

L'amazone sanglante Théroigne de Méricourt

Une belge au service de l'Autriche
L'horrible rôle qui fut celui de Marat dans la Révolution (n'oublions pas non plus ce discours des Cordeliers à la fin du mois d'août 1792, où cet Espagnol d'Helvétie réclamait 270 000 têtes françaises pour le bonheur du genre humain) permet de découvrir celui que tinrent les Suisses soit directement, soit indirectement durant ces années funestes.
Necker, le ministre des finances de Louis XVI qui eut quelques responsabilités dans la montée et l'enchaînement des événements, était Suisse d'origine allemande (Poméranie) et d'accointances anglaises. Il avait failli marier sa fille, la future Mme de Staël, à William Pitt. Syndic à la Compagnie des Indes, il avait comme associé le banquier londonien Thellusson. Cela permet de comprendre pourquoi Burke déclarait un jour à la Chambre des Communes: « M. Necker est notre meilleur ami sur le continent ».
Mirabeau était l'instrument d'un syndicat génevois qui travaillait à ses discours. Ce syndicat était composé de Duroveray, Clavière, d'Etienne Dumont et du pasteur Salomon Reybaz tous hostiles à la monarchie française. Duroveray, ancien procureur général de Genève, avait été destitué à la demande de Vergennes, ministre des Affaires Etrangères de Louis XVI, qui le tenait pour un agent anglais. Ce n'était pas faux. Il a été établi depuis qu'il recevait une pension de 300 louis du gouvernement de sa Majesté. Après le 10 août, Duroveray n'en fut pas moins attaché à l'Ambassade française de Londres.
Etienne Dumont, diplomate génevois, était un de ces européens très épris des idées nouvelles et tout auréolé des lumières. Il avait séjourné à Saint-Petersbourg, à Berlin, à Londres où Lord Lansdowne lui servait une rente. C'est sir Samuel Romilly qui le présente à Mirabeau. En 1789, il se fixe à Paris. Comme par hasard. Il inspire les discours de Mirabeau après avoir pris les conseils de Lord Elgin, diplomate et agent secret anglais. C'est Etienne Dumont lui-même qui le raconte dans ses Mémoires (Thomas Bruce, comte d'Elgin, devint célèbre, plus tard, pour le pillage des antiquités grecques, effectué avec la complicité des Turcs. Une partie des trésors volés disparut dans le naufrage du bateau qui les transportait en Angleterre. L'autre figure au catalogue du British Museum).
Israélite franc-maçon et banquier, Etienne Clavière avait été expulsé de Genève après la réaction aristocratique de 1782, soutenue par Vergennes. A Paris, il fit fortune à la Bourse et se lança dans le journalisme. Il était en rapport avec les banquiers Boyd et Kerr, agents de Pitt à Paris, et en correspondance suivie avec Bischoflswerder et Lucchesini, conseillers du roi de Prusse et francs-maçons importants. Ami de Mirabeau et de Brissot, Clavière fut en 1793 accusé de vol et de détournement de fonds au détriment de la compagnie d'assurance sur la vie dont il était l'administrateur ... Il se tua dans sa prison. Deux jours plus tard, son épouse se suicidait à son tour. Enfin, on arrêtait son frère J.J. CIavière alors qu'il filait en Suisse planquer le magot. Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. J.J. Clavière était employé au ministère des Affaires Etrangères de la France, au service du trésorier, Bidermann, banquier israélite et suisse également, membre du conseil général de la Commune où dans la nuit du 9 au 10 août il mit tout en œuvre pour « assurer le triomphe de la liberté et déjouer le complot de la cour. »
Le pasteur Salomon Reybaz a fait moins parler de lui. On sait seulement qu'il rédigeait aussi pour Mirabeau et qu'il était également pensionné par l'Angleterre. On trouve à la bibliothèque de Genève 59 lettres de Mirabeau à Reybaz.
Mirabeau fréquentait beaucoup Genève parce qu'il avait de gros besoins d'argent et que deux banquiers suisses lui en prêtaient : Jeanneret et Schweizer.
Steire raconte que lorsque « Mirabeau traita avec la cour, il remboursa partiellement Schweitzer qui en fut fort surpris ». Cet argent devait être moins prêté que remis pour être remboursé en monnaie politique.
Citons encore Nicolas Pache, dit Papa Pache, extraordinaire figure de faux jeton à visage d'honnête homme, fils du concierge suisse de l'hôtel de Castries et qui trahit successivement tous ceux qui le protégèrent, à commencer par le maréchal lui-même.
Né en 1746, à la Révolution, Pache avait déjà fait sa pelote. Il s'était retiré en Suisse après avoir été manutentionnaire général des armées, puis contrôleur de la maison du roi et des dépenses diverses. Ce sont là des tâches toutes de dévouement mais où les habiles serviteurs trouvent leurs récompenses.
1789 le ramène à Paris, républicain, bien sûr, et des plus échauffés. A la section du Luxembourg des Jacobins, il exige la déchéance du roi. Il salue les tueurs de Septembre. Roland en fait le ministre de la Guerre. Pache l'abandonnera. Les Girondins le soutiennent. Pache va les perdre. En trois mois de ministère, il laisse cent soixante millions sans justification. Qu'importe! Puisqu'il est devenu enragé. On en fait le maire de Paris. Le premier maire suisse de Paris. Et sans nul doute le seul. Mieux on tient quelqu'un, plus on peut le laisser monter.
Papa Pache signe le décret qui envoie Marie-Antoinette à la guillotine. Pendant la Terreur, il livre les canons de Paris à la Commune. Il excite les fédérés contre les Girondins. Il marche avec Hébert, un de ces phénomènes de soufre, d'or et de sang, comme il en jaillit toujours dans les périodes de tumultes et de fractures. Hébert, un ancien laquais vendeur de billets et placeur au théâtre des variétés, poursuivi pour indélicatesses si l'on en croit Camille Desmoulins. En 89 il découvre le papier imprimé, le style parlé, l'invective. C'est le Père Duchêne.
Hébert s'ébroue dans l'ordure et la sanie comme l'enfant fasciné par les gros mots. Le Père Duchêne n'est pas le cri du peuple. C'est le hurlement de la populace allumée par l'incendie, le pillage, le viol, la mort. Dans l'Europe et la Révolution française, Albert Sorel dira : « On voyait le ministère dominé par l'Assemblée, l'Assemblée par les clubs, les clubs par quelques démagogues, les démagogues par la populace armée et famélique qu'ils croyaient entraîner à leur suite et qui, en réalité, en chassait devant soi. » Ce sont les lecteurs d'Hébert. « Des cannibales, des forcenés » dit Restif. La lie de la terre. L'écume de la fange, sortie on se sait d'où, qui s'est engouffrée dans Paris « comme dans un égout». L'expression est de Taine.
François Brigneau National Hebdo du 24 au 30 septembre 1987

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