mercredi 19 novembre 2008

10 mars : la Vendée en armes

Dans l'après-midi du dimanche 10 mars 1793, le tocsin sonne dans les villages de Vendée. Tout un pays - plus de 7 000 paroisses, réparties sur 10 000 km² - se soulève contre la Convention. Armés de fourches, de bâtons, de vieilles canardières, de croix maniées comme des massues, les insurgés bousculent les représentants honnis du pouvoir parisien : prêtres « jureurs », municipalités aux ordres, receveurs des impôts. Les Vendéens réclament la liberté de conscience et le droit de rester chez eux, ce qui revient à rejeter deux mesures clés du gouvernement révolutionnaire, la constitution civile du clergé et la réquisition de 300 000 hommes pour étoffer les armées de la Révolution. Ainsi commence une guerre atroce.
Pourtant, en 1789, les Vendéens avaient fait bon accueil aux promesses de changement. Les cahiers de doléances avaient été rédigés dans l'allégresse et on y dénonçait - comme partout - les méfaits et les incohérences d'une administration centralisatrice qui, sans détruire d'anciens privilèges, en avait créé de nouveaux, et menait une politique systématique de répression et de pénalisation de toute forme d'initiative locale. Avec les Etat généraux, tout allait certainement changer... En Vendée, comme ailleurs, on voulait s'en persuader.
Mais viennent vite les désillusions et l'amertume. A l'évidence, les nouvelles autorités, murées dans leur dogmatisme doctrinal, se refusent à écouter les populations. Celles-ci sont d'autant plus exaspérées que les impôts passent du simple au double entre 1789 et 1792, sauf bien entendu pour certains malins... dont nombre d'élus municipaux, accusés par les habitants de se prostituer aux pouvoirs publics. Le feu couve et, dès le 21 octobre 1789, un décret a prévu l'application de la loi martiale contre les attroupements.
Le pouvoir central, avec la dernière maladresse, accumule les fautes. La constitution civile du clergé, en 1790, est perçue comme une atteinte aux libertés religieuses. Certaines municipalités, en butte à l'hostilité de la population, adoptent une attitude inquisitoriale pour repérer les perturbateurs et, contre ceux-ci, la délation est érigée en principe universel par la loi du 3 juin 1790, qui exige que les mal-pensants soient dénoncés aux autorités. Le pouvoir a peur : des fouilles domiciliaires, occasion de nombreuses exactions, cherchent à repérer les suspects. L'exaspération monte. Et lorsque, le 10 mars 1793, à Thouaré, le commissaire du district vient réquisitionner des hommes pour les armées de la République, il s'entend répondre : « Puisque nous sommes libres, nous ne voulons nous occuper que de labourer nos champs ». Les Vendéens ne font que prendre au pied de la lettre le texte de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Tout régime restreignant les droits de l'homme est abusif, il faut lui résister ».
Cette résistance va coûter à la Vendée le prix fort, le prix du sang et des larmes : ce qu'un historien, bravant les tabous, a osé, à juste titre, appeler « le génocide français ».
Car la Vendée a subi de plein fouet les conséquences de la profession de foi terroriste de Saint-Just : « il faut gouverner par le fer ceux qui ne peuvent l'être par la justice ». En vouant, par les sabrades, les camps d'extermination, les fours crématoires tout un peuple à l'anéantissement - femmes (en tant que « sillons reproducteurs ») et enfants (comme « futurs brigands ») compris - les colonnes infernales de Turreau ont bien mérité de l'idéologie des droits de l'homme.
✍ Pierre VIAL National Hebdo du 10 au 16 mars 1994
Pour approfondir : Reynald Secher, Le génocide franco-français. La Vendée- Vengé, PUF, 1986.

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