jeudi 4 juin 2009

Edouard Herriot au pays des soviets



En 1932-33, une famine artificielle organisée par le pouvoir stalinien en Ukraine causa plusieurs millions de morts. La nouvelle ayant commencé à filtrer en Occident, les organisations procommunistes organisèrent une opération d’intoxication pour rassurer l’opinion. C’est ainsi que durant l’été 1933, le gluant politicien radical Edouard Herriot se rendit en URSS pour cautionner la version des autorités soviétiques (probablement avec l’approbation du gouvernement français, soucieux de s’assurer une « alliance de revers » contre l’Allemagne).
Herriot déclara avec satisfaction :
« [Je n’y ai vu que] des jardins potagers de kolkhozes admirablement irrigués et cultivés. Voici, chargées de raisins, les vignes du plant français. Les récoltes décidément sont admirables ; on ne sait où loger les blés. (...) J’ai traversé l’Ukraine. Eh bien ! je vous affirme que je l’ai vue tel un jardin en plein rendement. »
Quant à Charles Alphand, ambassadeur de France à Moscou, qui accompagnait Herriot en Ukraine, il envoya à Paul-Boncourt (le ministre des Affaires étrangères, qui était en train de négocier un rapprochement avec l’URSS) un télégramme affirmant que les rumeurs de génocide n’étaient que « des racontars colportés par les ennemis du régime ».
Pourtant, la vérité avait déjà atteint les Etats-Unis, comme le montre l’article suivant :
« La veille du jour où la délégation était attendue, on a mobilisé à deux heures du matin toute la population de Kiev aux fins de nettoyer les rues principales et de décorer les maisons. Dix mille personnes se ruent au travail, et tentent de donner à la ville qui est dans un état de saleté et de négligence repoussante, un aspect à peu près européen. Tous les offices de répartition de vivres : coopératives, etc., sont fermées, les queues devant les magasins sont interdites, les hordes d’enfants abandonnés, les mendiants, les faméliques disparaissaient comme par enchantement de la circulation. Au carrefour des rues on voit la milice à cheval caracoler sur des montures reluisantes dont les crinières sont parées de rubans blancs. Un spectacle comme Kiev n’en avait jamais vu et comme elle n’en reverra probablement jamais. »
(article paru dans le journal juif new-yorkais Forward, en 1933)
Dans son livre L’Histoire trouée (L’Atalante, 2004), Jean-Louis Panné ajoute concernant le voyage d’Herriot :
« Dans son livre Orient (Hachette, 1934) qui se présente comme le compte rendu de son voyage, Herriot qui le plus souvent se borne à recopier les textes de la propagande soviétique, fait l’apologie de la politique du Plan quinquennal. Il ment en toute conscience sur la famine puisqu’il a parfaitement saisi que son voyage a fait l’objet d’une minutieuse préparation de la part des autorités soviétiques et, bien entendu, de la police secrète : la Guépéou. Le livre de Sophie Cœuré donne toute l’arrière-histoire de cet épisode fondateur de la négation. »
Voici deux autres exposés sur cette imposture d’Herriot (et du gouvernement français, qui préférait manifestement la « Realpolitik » au « droit d’ingérence » humanitaire) :

COMMENT HERRIOT FUT PROMENE EN URSS
Edouard Herriot, chef du parti radical et maire de Lyon, fit un voyage en URSS à la fin de l’été 1933, et joua, pour sa part, avec un brio certain, le rôle de l’idiot utile, si cher à Lénine.
Du 26 au 31 août, Herriot va parcourir cette Ukraine que la faim, la misère et la collectivisation sont en train de vider peu à peu de ses habitants. Ce politicien que l’on disait si habile, si fin (comme en témoignent certaines de ses œuvres littéraires) fut victime, de la part des Soviets, du plus sinistre des canulars.
On lui fit en effet découvrir une fausse URSS, où les ouvriers et les paysans étaient des agents du NKVD déguisés. A Odessa, Kiev, il visita des entrepôts de tracteurs et des usines amoureusement préparées en vue de cette visite. Il alla dans les kolkhoses, demanda à voir un village éprouvé par cette famine dont la nouvelle avait filtré jusqu’en Occident : on lui fit traverser le plus pimpant des villages, spécimen aménagé spécialement pour les touristes occidentaux.
Visitant une cantine, il goûta la soupe et s’exclama : « Je puis certifier que la soupe est excellente. S’il en est ainsi de tout, c’est un restaurant digne de Lyon, la ville la plus gourmande de France ». Pendant ce temps, des miliciens en armes tenaient hors de sa vue les mendiants et les bandes d’enfants faméliques.
« Lorsqu’on soutient que l’Ukraine est dévastée par la famine, permettez-moi de hausser les épaules », déclara-t-il encore. Certains des Français qui l’accompagnaient s’étonnèrent cependant d’avoir aperçu, par les fenêtres du train, des tas de hardes à forme vaguement humaine, au bord des routes : c’étaient en fait les cadavres des affamés tombés d’épuisement.
Herriot, lui, ne voit rien d’autre que ce que ses mystificateurs lui présentent. Celui que Léon Daudet appelait « l’imposteur chaleureux » avait lui-même été la consentante victime d’une imposture.
Il n’est pas étonnant que ce militant de France-URSS, qui avait été à l’origine de la reconnaissance par la France de la Russie soviétique, ait pu passer pour un « colonel honoraire de l’Armée rouge ». Ce n’était qu’un canular remarquablement monté par P.-A. Cousteau. Mais Herriot avait bien mérité de l’URSS. Et ce titre n’avait pas été usurpé.
(Extrait de la brochure de Francis Bergeron, Le Goulag avant le Goulag, Cahiers du Cices, 1987)
[Le texte est illustré par plusieurs dessins de la presse de l’époque. Dans l’un de ces dessins, on voit une voiture traversant à toute vitesse la campagne ukrainienne et Herriot retenant son chapeau ; un accompagnateur soviétique lui dit : « Si monsieur le président le demande, nous pourrions ralentir jusqu’à 100 km à l’heure ! ». Dans un autre dessin, Herriot descend d’un train et s’adresse à un homme en uniforme : « Je suis plein d’admiration pour votre pays, pour votre régime… » – et l’homme répond : « Je vous demande pardon, M. le Président, vous êtes arrivé en France. »]

LE COMMENTAIRE DE L’HISTORIEN ROBERT CONQUEST
Edouard Herriot, le célèbre radical-socialiste français qui fut deux fois président du Conseil, se rendit en URSS en août et en septembre 1933. Il passa cinq jours en Ukraine ; son emploi du temps fut partagé entre des réceptions, des banquets officiels et une visite guidée. A l’issue de ce séjour, il crut pouvoir affirmer qu’il n’y avait pas de famine et il accusa des éléments poursuivant une politique antisoviétique d’en faire courir le bruit. Le 13 septembre 1933, la Pravda put donc écrire qu’« il avait catégoriquement démenti les mensonges de la presse bourgeoise à propos d’une famine en URSS ».
Ces commentaires, émanant d’un homme d’Etat fort connu, semblent avoir eu une grande influence sur l’opinion européenne. L’irresponsabilité dont Herriot fit preuve dut grandement encourager Staline à miser sur la crédulité occidentale, et il allait en abuser avec beaucoup d’efficacité quelques années plus tard.
(Extrait de Robert Conquest, Sanglantes moissons, dans La grande terreur, Robert Laffont, collection « Bouquins », 1995, pp. 338-340)
On sait maintenant que la collectivisation en Ukraine fit entre quatre et sept millions de morts… L’historien Nicolas Werth estime que cette famine a fait entre six et sept millions de victimes. Etienne Thévenin donne les mêmes chiffres pour l’Ukraine et ajoute qu’il y eut deux à trois millions de victimes au Kouban, au Caucase du Nord et dans la basse vallée de la Volga.
Jean-Louis Panné écrit :
« Ce furent entre 8 à 10 millions d’individus : hommes, femmes, enfants qui disparurent en un temps extrêmement réduit. Nous sommes dans un ordre de grandeur proche de celui des pertes militaires de la Première Guerre mondiale qui fit 8,5 millions de morts. C’est dire le caractère extraordinaire de cette famine. » (L’Histoire trouée, 2004)
Le 21 février 1936, Herriot (« l’imposteur chaleureux », comme l’appelait Léon Daudet) récidiva en faisant un grand discours devant la Chambre des députés, pour recommander la ratification du pacte franco-soviétique. Alors que le régime léniniste puis stalinien avait déjà exterminé plusieurs millions de personnes (et pas seulement en Ukraine), la France n’hésitait pas à s’allier à ce régime génocidaire pour défendre ses intérêts égoïstes – en réalité par crainte et par jalousie de l’Allemagne hitlérienne, qui n’avait encore exterminé personne (hormis la « purge » de la Nuit des longs couteaux, certes brutale, mais sans commune mesure avec la répression stalinienne).
Il est vrai que le socialiste fabien George Bernard Shaw fut lui aussi dupé de la même manière par les autorités soviétiques. Après une visite (tout aussi « arrangée ») en Ukraine, il déclara en 1932 : « Je ne vois pas une seule personne sous-alimentée en Russie, jeune ou vieille ».
Un autre politicien français accepta une invitation du pouvoir soviétique en septembre 1933 : Pierre Cot. En relation avec les autorités soviétiques depuis 1926, Pierre Cot était tellement prosoviétique que le journal Le Populaire le surnomma « Cot, Cot, Cot… cosaque ». Pierre Cot fit l’éloge du système soviétique et de sa « planification » (une idée à la mode à l’époque), et parla de la nécessaire « coopération franco-soviétique » ; il exprima les mêmes opinions devant le Conseil des ministres dès le 23 septembre, puis dans une conférence de presse, mais garda un silence total sur la famine en Ukraine. L’action de Herriot et de Cot visait (et réussit) à détourner l’attention de l’opinion de la famine, en accord avec les autorités soviétiques (qui versaient aussi des sommes d’argent importantes à plusieurs grands journaux français, comme on le sait aujourd’hui. Parmi ces journaux figuraient Le Temps, L’Œuvre, L’Ere nouvelle, etc. C’est Le Temps qui reçut le plus d’argent soviétique (environ 40.000 francs mensuels). Voir le livre de Sabine Dullin : Des hommes d’influence. Les ambassadeurs de Staline en Europe, 1930-1939 (Payot 2001).
Quant au journaliste Walter Duranty, envoyé du New York Times à Moscou, il relaya impudemment les pires désinformations soviétiques, niant toute famine en Ukraine. Pour ce travail de propagandiste (il nommait Staline « le plus grand homme d’Etat vivant »), il reçut le Prix Pulitzer en 1932…
Le génocide ukrainien (l’« Holodomor ») est maintenant officiellement commémoré par l’Etat ukrainien, qui a retenu le chiffre de quatre millions de morts. Il s’agit en fait d’une estimation minimale, et on remarquera que les autorités ukrainiennes ont soigneusement évité d’approcher du chiffre de six millions, pour ne pas fâcher le judaïsme organisé, gardien du dogme de l’Holocauste unique et officialisé.
Nous terminerons par une description d’Edouard Herriot, dans un livre d’un journaliste lyonnais bien connu :
« A la grande terreur de Césarine, sa gouvernante, ‘le Président’ ne se serait pas couché avant d’avoir absorbé un en-cas qui n’était jamais moins qu’une énorme part de civet à la crème ou un cervelas truffé ‘pour six’. Tout occupé à satisfaire cette fougueuse boulimie – et d’autres passions dont sa robuste nature était perpétuellement avide – le maire de Lyon était plus soucieux de digestion que de gestion. » (Pierre Mérindol, Lyon ou le sang et l’argent, 1987)
Et c’est ce Gargantua qu’on envoya enquêter sur la grande famine en Ukraine…
Alain Bougrat http://www.voxnr.com/

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