mardi 13 juillet 2010

Bienheureux Jerzy Popieluszko : « Mon cri était celui de ma patrie ! »

Jerzy Popieluszko n'est pas seulement un martyr. C'est le symbole du combat de l'Église catholique contre le totalitarisme. Il y avait près de 300 000 personnes à Varsovie le 8 juin dernier pour sa béatification par le cardinal Amato. Il y avait aussi sa maman, Marianna, et son ami Lech Walesa, le fondateur du syndicat Solidarnosc.
Quand on entre dans une église en Pologne, on trouve en général, accueillant le visiteur à la porte, un portrait du père Jerzy Popieluszko et une photo du père Maximilien Kolbe. Ce dernier a été assassiné par les nazis en 1941. Popieluszko, lui, ce sont les communistes qui l'ont torturé et tué en 1984. Tous deux expriment l'âme de la Pologne catholique et antitotalitaire.
Jerzy Popieluszko (1947-1984) est né à Okopy, petit village du nord-est de la Pologne dans une famille modeste de paysans. Parcours classique : enfant de chœur dans son village, il fait ses classes au lycée de Suchowola ; dès ses 18 ans, il entre au séminaire de Varsovie. Il sera ordonné prêtre en 1972. Détail prémonitoire : les images distribuées lors de sa première messe comportent la devise suivante : « Dieu m'envoie, pour prêcher l'Évangile et panser les plaies des cœurs blessés ».
C'est en août 1980 que le Cardinal Wyszynski, lui a demandé d'être l'aumônier des aciéries de la capitale. Pas d'autre solution pour ce jeune abbé plein de zèle que de se poser en ardent défenseur de l'idéal du nouveau Syndicat Solidarnosc. Lequel est issu des célèbres accords de Gdansk qui, le 31 août 1980, l'ont imposé aux caciques du communisme polonais, Jaruzelski et les autres, comme un syndicat chrétien, libre. Conformément à ses nouvelles fonctions, à 10h00, chaque dimanche, le Père célèbre la sainte messe pour les ouvriers de Gdansk. Il s'entretient régulièrement avec les animateurs du Syndicats qui deviennent ses amis. Il essaie de les former, en leur offrant des cours sur l'histoire de la Pologne, la littérature et la doctrine sociale de l'Eglise. Il n'hésite pas à leur proposer un apprentissage de la dynamique de groupe et de l'art de la négociation. Las ... Le 13 décembre 1981, poussé dans ses retranchements, le général Jaruzelski décrète l'état de siège. Le syndicat Solidarité est mis brutalement hors-la-loi. Qu'importe ! Le Père Popieluszko entend bien continuer son ministère auprès de ses animateurs. Alors, tous les mois, depuis cette date fatidique, il célèbre une « messe pour la patrie » dans la paroisse où il a été affecté, Saint-Stanislas-Kotska, en banlieue de Varsovie. Des milliers de personnes viennent entendre sa voix chaude. On se souvient encore de ses vibrantes homélies pour la justice sociale et le respect de la liberté et de la dignité de l'homme. Le texte de ses allocutions courageuses était enregistré par de nombreux militants sociaux-chrétiens de Solidarnosc. et diffusé par cassettes à travers toute la Pologne. Autant dire que le jeune prêtre était considéré comme un dangereux agitateur par les séides d'un régime à bout de souffle et qui commence à éprouver sa propre fragilité. Les événements se précipitent rapidement. À l'automne 1983, une liste de 69 « prêtres extrémistes » a été établie par le gouvernement du Général Jaruzelski et remise au cardinal Glemp, successeur de l'intrépide Mgr Wyszynski. Prière était faite au nouveau Primat de Pologne de faire taire ces gêneurs ensoutanés. Le Père Popieluszko figurait en bonne place sur cette liste, en compagnie, il est vrai, de deux évêques. MgrTokarczuk et Mgr Kraszewski, auxiliaire de Varsovie, et du confesseur de Lech Walesa, l'ineffable Père Jankowski.
Les 12 et 13 décembre 1983, l'Abbé Popieluszko subit deux jours de garde à vue. La police prétendait avoir découvert chez lui des armes et des explosifs, ainsi que des tracts du Syndicat interdit. La nuit suivant sa garde à vue, il échappe de justesse à un attentat, une grenade ayant explosé dans son vestibule après qu'un inconnu eut sonné à sa porte. Accusé d'« abus de sacerdoce », le jeune prêtre fut convoqué treize fois par la milice, durant les quatre premiers mois de l'année 1984. Il ne bougea pas d'un iota. Ses prêches étaient toujours repris sur des radios libres, émettant depuis l'extérieur de la Pologne. Le porte-parole du gouvernement communiste, Jerzy Urban, aujourd'hui reconverti dans la presse pornographique et anticléricale, qualifia Jerzy Popieluszko de « fanatique politique ». Il semblait que rien ne devait arrêter cette parole de liberté. Il faut organiser plus soigneusement l'élimination. Le vendredi 19 octobre à 22 heures, trois officiers de police arrêtèrent la voiture du Père Popieluszko en rase campagne, sous prétexte d'un contrôle d'alcootest. Son chauffeur parvint à s'enfuir, mais le prêtre resta entre leurs mains. À partir de là, on ne sait ce qui s'est passé avec certitude que par l'autopsie qui a été pratiquée sur son corps, retrouvé plus tard dans un lac artificiel formé par le barrage de Wloclawek, sur la Wisla à une centaine de kilomètres au nord de Varsovie. Le 27 octobre, le capitaine Grzegorz Piotrowski, identifié par le chauffeur, déclare : « C'est moi qui l'ai tué, de mes propres mains ». Il y eut procès à Torun contre les trois exécutants. Mais les commanditaires ne furent jamais retrouvés. Est-ce l'État communiste ? Est-ce une fraction dure de la police politique ? On ne le saura jamais. La peine des trois bourreaux condamnés à la perpétuité, fut bientôt réduite. Tous sont déjà sortis de prison. Mais la tombe du père Popieluszko, située à Varsovie près de l'église où il célébrait ses messes pour la patrie, est devenue un lieu de pèlerinage où se sont déjà rendus des millions de personnes qui le vénèrent comme témoin de la résistance morale et spirituelle de tout un peuple.
Claire Thomas monde et vie. 26 juin 2010

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