mardi 21 septembre 2010

De Hugues Capet à Philippe Ier, 987-1108

Au Xe siècle, la dynastie carolingienne s'éteignit lentement, comme nous l'avons vu dans un dossier précédent. En France, sa place fut prise par les Capétiens, qui avaient acquis peu à peu une certaine importance comme comtes de Paris. La dynastie fut fondée par Hugues Capet, élu roi en 987 par les grands du royaume, surtout sur l'initiative du haut clergé, car en France, comme en Allemagne, l'Eglise était le principal défenseur de l'idée monarchique. Hugues Capet n'eut qu'un semblant de pouvoir; lui et ses premiers successeurs furent rois en France, plutôt que rois de France. Grâce au système féodal, les fonctionnaires, naguère destituables, étaient devenus, avec le temps, propriétaires de leurs fiefs et s'étaient pourvus de titres de duc, comte ou vicomte. Plus les Carolingiens perdaient de pouvoir, plus les seigneurs se prenaient pour de petits rois, qui étaient assuré de l'hérédité de leurs fiefs et possédaient leur administration propre, leurs propres finances, leurs propres tribunaux, donc pratiquement la souveraineté sur leur territoire. Ainsi se constituèrent les duchés de Normandie, de Bourgogne, de Guyenne, de Gascogne, et, autour d'eux, une série de comtés, puissants et riches, Flandres, Champagne, Anjou, Bretagne, au sud le margraviat de Narbonne, enfin, la Marche de Barcelone était encore considérée comme un fief français. La puissance effective du roi ne surpassait pas celle des propriétaires de ces fiefs, car elle se limitait au comté de Paris, étroite bande de terre qui reliait la Seine et la Loire et comprenait les villes de Paris et d'Orléans. Et, dans ce domaine, étaient disséminés beaucoup de châteaux-forts qui n'appartenaient pas aux Capétiens, mais qui cherchaient à les braver. Le roi n'avait presque pas d'autorité sur ses vassaux. Enfin, il ne faut pas oublier qu'une grande région de la France actuelle, toute la partie orientale au-delà de la Meuse, de la Saône et du Rhône, faisait partie de l'Empire d'Allemagne.



Ainsi, au début, la couronne ne conféra aux Capétiens qu'un titre, mais d'une grande valeur, car à ce titre se rattachait la vieille conception impériale de la dignité monarchique. L'archevêque de Reims ressuscita l'ancienne coutume de l'onction et du sacre qui avait presque la valeur d'un sacrement et mettait une auréole sainte au front des monarques. Si bien qu'aux yeux du clergé et du peuple, le roi était tenu en grande vénération, comme dépositaire d'une haute dignité. Les Capétiens surent en profiter pour fortifier leur position à l'égard du peuple, afin qu'il les défendît contre les prétentions de la noblesse et contre les attaques des seigneurs pillards. Dès le XIe siècle, ils encouragèrent même le désir d'autonomie qui se manifestait déjà dans les communes urbaines. Le fait que, depuis le début, la couronne de France fut héréditaire favorisa beaucoup le développement de la dynastie capétienne. En théorie, les grands du royaume se réservaient le droit d'élection et Hugues Capet, lui-même, fut un roi élu, mais il sut conserver la couronne dans sa famille en faisant, de son vivant, oindre et couronner son fils comme son successeur. Ce procédé prit la valeur d'un usage durable, sans que les rois aient eu à l'imposer par la force. La chose s'explique par le fait que les Capétiens étaient des princes faibles, qui ne paraissaient pas le moins du monde dangereux à leurs grands vassaux, tout au contraire de ce qui se passa en Allemagne où la jalousie des princes était constamment tenue en éveil par les puissants rois saxons et franconiens, si bien que leur opposition ne se calmait jamais complètement, et qu'ils tenaient beaucoup à leur droit d'élection.
 


La faiblesse des Capétiens eut pour contrepoids la ténacité avec laquelle ils édifièrent leur royaume. Le successeur d'Hugues fut son fils Robert II le Pieux (996-1031) qui avait étudié à l'école de Paris, auprès du célèbre Gerbert, devenu alors pape sous le nom de Sylvestre II. Il a la réputation d'avoir été un prince pieux et bienfaisant, mais il n'en fut pas moins excommunié pour avoir répudié sa femme. Ce n'est qu'après des années de résistance qu'il se soumit enfin aux exigences de l'Eglise. Quant au peu de puissance dont il disposait, on en trouve la preuve dans le fait qu'un de ses grands vassaux a pu parler avec mépris de la « nullité du roi ». Et, pourtant, il avait en vue l'affermissement du pouvoir royal. Il mit des années d'effort à acquérir le duché de Bourgogne. Mais son fils et successeur, Henri Ier (1031-1060), ne sut pas le conserver à la couronne et le céda à un frère, Robert, qui fut le chef d'une nouvelle dynastie du duché de Bourgogne. Il ne sut pas non plus empêcher le royaume d'Arles (vallée du Rhône, comté de Bourgogne, Suisse occidentale) de tomber aux mains du roi d'Allemagne, si bien que ces territoires, purement français pourtant, furent pendant six cents ans perdus pour le royaume de France. C'est sous le règne d'Henri Ier que fut brisée l'amitié qui avait uni jusque-là les Capétiens et les ducs de Normandie. Cette rupture devait avoir des conséquences considérables.

Henri eut pour successeur son fils Philippe Ier (1060-1108), un homme sans consistance et un jouisseur. S'il était seul en cause, son règne ne présenterait aucun intérêt; ce qui lui en confère, c'est l'événement qui prit naissance sur le sol de France: la conquête de l'Angleterre par le duc de Normandie, Guillaume (1066), dont il sera reparlé plus loin. Un grand vassal de la couronne de France créa ainsi un Etat puissant dont l'éclat devait faire pâlir celui du royaume capétien. En effet, le royaume anglo-normand constitua longtemps un grand danger pour la France et devait déterminer ses destinées politiques pendant près de quatre cents ans. Dans le reste de la France, aussi, une humeur aventureuse et guerrière poussait les chevaliers au-delà des Pyrénées à des combats contre les Maures, aux côtés des chrétiens d'Espagne. C'est avec la même vigueur débordante que la noblesse française entreprit la première Croisade. Le roi Philippe ne prit aucune part à ces divers événements. En revanche, il eut à souffrir, pour sa part, de la Querelle des Investitures. Il était contemporain d'Henri IV et guère moins coupable que lui de simonie. Mais il sut éviter que Grégoire VII ne prît contre lui des mesures extrêmes en témoignant une bonne volonté qui ne l'empêchait pas de suivre son propre chemin. Grâce au caractère relativement bénin qu'elle eut en France, la Querelle des Investitures n'entrava pas le développement du royaume des Capétiens, tout au contraire de ce qui se passa en Allemagne où le pouvoir royal sortit affaibli de la lutte. Cependant, Philippe Ier fut excommunié pendant des années pour avoir divorcé.

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