dimanche 19 décembre 2010

CETTE ANNÉE-LÀ, 1284 : Le royaume s’agrandit

Philippe III le Hardi, le successeur de saint Louis, s'applique à étendre le territoire capétien. Il force la main en douceur aux évêques de Viviers, illustrant l'astuce, la souplesse et la patience de sa dynastie.

Cette année-là, la quatorzième de son règne, Philippe III, dit le Hardi, trente-neuf ans, s'appliquait à étendre le territoire capétien. Il avait dû succéder en 1270 à son père le saint roi Louis dans des circonstances dramatiques ; il lui avait fallu conclure la paix avec le roi de Tunis (qui promit de protéger les chrétiens), puis organiser le retour en France. Quel sinistre convoi autour de la dépouille du roi défunt et du jeune Jean-Tristan ! En cours de route étaient aussi décédés le frère du roi défunt Alphonse, comte de Poitiers, puis l'épouse de celui-ci, Jeanne, héritière du comté de Toulouse. Puis aussi la propre épouse du nouveau roi, Isabelle d'Aragon !

Héritages

Dès son sacre à Reims en août 1271 Philippe s'était montré pieux et conscient de ses devoirs. Tous admiraient sa haute taille, son allure imposante, son visage agréable. Gouverner un royaume que son père laissait en paix après y avoir fait briller une si belle lumière surnaturelle était, bien sûr, une lourde responsabilité. Parfaitement imprégné des traditions chevaleresques, très tôt dégagé de la tutelle de la reine mère Marguerite de Provence (qui allait vivre jusqu'en 1295), Philippe, remarié en 1275 avec Marie de Brabant, avait aussitôt entrepris de visiter ses domaines et d'affermir partout l'influence capétienne.

Il venait de recueillir la succession du comté de Toulouse, qui comprenait aussi le Poitou et une partie de l'Auvergne et que Louis VIII son grand-père avait déjà préparé à entrer dans l'allégeance à la couronne. Philippe s'efforça toujours d'apaiser les restes de cicatrices en respectant soigneusement les us et coutumes des terres languedociennes si éprises d'élégance et de “gai savoir”. Tous les vassaux ne l'entendaient pas de cette oreille et il avait fallu batailler avec le roi d'Aragon qui soutenait les rebelles. Il avait fallu aussi négocier avec le roi d'Angleterre Édouard 1er Plantagenêt qui réclamait l'Agenais et le Sud de la Saintonge en échange de son hommage en tant que vassal du roi de France pour ce qui lui restait du duché d'Aquitaine. Philippe avait aussi recueilli de son frère Pierre mort sans enfant le Perche et le comté d'Alençon, puis acquis par achat les comtés de Chartres et de Nemours.

Par ailleurs Philippe avait accueilli en 1274 le pape Grégoire X lors de l'important concile de Lyon où l'union entre les Églises d'Occident et d'Orient fut très près de se réaliser (le grand saint Thomas d'Aquin était mort en s'y rendant). La même année Philippe avait offert au pape le Comtat Venaissin, pays d'Avignon.

Vers le Midi

Son désir d'arrondir le domaine de ses pères le poussait en cette année 1284 à s'intéresser aux terres situées au bord du Rhône à l'extrême est du Languedoc, et dépendant nominalement du Saint-Empire germanique. Déjà depuis des générations, comte de Toulouse ou empereur, les évêques de Viviers restaient farouchement jaloux de leur indépendance. Sous Louis VIII, l'évêque Bernon avait traité avec Simon de Montfort pour arracher les mines de Largentière aux convoitises du comte de Toulouse, mais l'arrogance épiscopale agaçait le roi voyant en cette terre ardente du Vivarais une porte utile vers le midi provençal… Déjà les seigneurs de Tournon et d'Aubenas rendaient hommage au roi quand se présenta l'occasion de forcer la main en douceur aux évêques de Viviers. Falcon, abbé du monastère cistercien de Mazan, dans la montagne vivaroise, se plaignait de voir ses biens dans la grange de Berg pillés par les habitants des environs. Philippe accorda aux moines sa protection. Ainsi fut fondée par un accord de paréage(1) entre le père abbé et le roi la bastide de Villeneuve-de-Berg, dans le Vivarais méridional.

Un exemple

L'événement en lui-même n'est pas de très grande portée. Mais nous avons choisi de le signaler comme exemple de l'astuce, de la souplesse, de la patience et de l'empirisme organisateur de nos rois capétiens faisant la France. Le Vivarais n'allait en fait être réuni à la couronne que sous le règne du fils de Philippe, Philippe IV le Bel, en 1306, après que celui-ci eut créé (1291) une cour royale de justice à Boucieu-le-Roi dans le nord du pays et quand l'évêque Aldebert de Peyre, après d'âpres discussions, eut consenti à se soumettre à la juridiction du parlement de Paris. Vingt et un ans après, l'accord de 1284 portait ses fruits…

Philippe III devait décéder le 5 octobre 1285 à Perpignan, atteint du paludisme au retour d'une expédition malheureuse contre Pierre III, roi d'Aragon, lequel avait trois ans plus tôt massacré (les célèbres Vêpres siciliennes) les Français venus au secours de Charles 1er d'Anjou, roi de Sicile, dernier frère encore vivant de saint Louis. Ainsi s'achevait dans la douleur le règne du Hardi, trop souvent ignoré des historiens.

MICHEL FROMENTOUX L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 17 décembre 2009 au 6 janvier 2010

(1) Le paréage est un contrat de droit féodal d'association entre deux ou plusieurs seigneurs, leur assurant une égalité de droits et une possession en indivision sur une même terre. Le mot paréage est dérivé de « pair » et du latin pariagium. Cette association est avant tout économique ou commerciale et se fait entre deux égaux (pairs), parents ou étrangers, dans le but d'administrer et d'exploiter des biens (Wikipedia)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai appris des choses interessantes grace a vous, et vous m'avez aide a resoudre un probleme, merci.

- Daniel