mercredi 23 février 2011

L'affaire Beljanski

Jean-Marie Abgrall in Les charlatans de la santé.

La révélation du cancer dont souffrait François Mittérand est venue alimenter une polémique qui avait pris naissance prés de quinze ans plus tôt. Le président aurait été l'un des bénéficiaires d'un médicament miracle produit par Mirkos Beljanski. Vérité ou rumeur ? Il y a fort à parier que nul ne le saura jamais réellement.

À la fin des années 1980, un holding financier, Abraxas, confiait au professeur Jean Cahn un produit dont on lui demandait de vérifier l'efficacité sur le virus du sida. L'expertise, confiée au professeur Andrieu, directeur du laboratoire d'immunologie des tumeurs à l'hôpital Laennec de Paris, donnait des résultats "remarquables", selon les expérimentateurs, en inhibant in vitro la libération d'interleukine-6 par des globules blancs provenant de malades séropositifs. Malgré ces résultats prometteurs, les produits Beljanski n'obtinrent jamais d'AMM (autorisation de mise sur le marché) nécessaire à leur commercialisation. Au contraire, Beljanski se refusa à toute étude susceptible d'aboutir à une véritable reconnaissance de ses produits.

Né en 1923, Mirkos Beljanski obtient en 1948 un doctorat de biologie. Il intègre l'Institut Pasteur, où il travaille dans le laboratoire du professeur Lépine sur le vaccin de la poliomyélite. Quelques années plus tard, il devient le collaborateur du professeur Monod et axe ses recherches sur l'ADN et sa fonction. Après l'obtention du prix Nobel de médecine en 1965 par Monod, Lwoff et Jacob, Beljanski se fâche avec son ancien collègue et quitte l'Institut Pasteur. Il occupe alors un poste de directeur de recherche à la faculté de pharmacie de Châtenay-Malabry. C'est à cette époque qu'il se consacre à des recherches appliquées, en particulier sur le cancer, puis sur le sida.

En 1983, Beljanski fait parler de lui en commercialisant un produit destiné à restaurer le taux des globules blancs dans le sang. Ce produit est présenté par la presse patamédicale comme le médicament miracle destiné aux cas désespérés, tel celui de la jeune Valérie, âgée de onze ans, guérie d'aplasie médullaire après traitement par le RLB (Remote Leucocyte de Beljanski). Quinze ans plus tard, le RLB n'a pas à notre connaissance eu de retombées médicales - ce qui est pour le moins étonnant s'agissant d'un médicament d'une telle portée !

Après sa retraite en 1988, Beljanski se réfugie à Ivry-sur-Seine, dans un garage qu'il baptise du nom pompeux de Centre de recherches biologiques (CERBIOL). C'est là qu'il met au point ses divers produits, qui sont commercialisés de façon illicite par l'intermédiaire d'une association de soutien : Cobra. Pendant près de quinze ans, malgré la publication de résultats de laboratoire apparemment prometteurs, Beljanski se refuse à révéler la composition de ses produits et refuse de se soumettre aux protocoles de vérification réclamés pour l'obtention des AMM. Comme pour beaucoup de substances, les résultats obtenus par les divers produits Beljanski lors d'expérience in vitro ne peuvent pas être extrapolés à l'individu vivant, et les produits Beljanski n'ont jamais fait la preuve réelle de leur efficacité in vivo.

Peu à peu, Beljanski et les siens s'inscrivent dans une logique de citadelle assiégée, développant une thématique paranoïaque. Beljanski devient le "chercheur persécuté", en butte aux multinationales du médicament et incompris par les autorités médicales.
Dans un courrier du 27 août 1990, le ministre de la Santé Claude Évin condamne sans ambages les produits Beljanski.

Sur le plan scientifique on ne peut qu'émettre les plus expresses réserves sur les revendications de M. Beljanski. Les preuves de qualité, d'innocuité et d'efficacité exigées de tout médicament avant sa mise sur le marché ne peuvent, en effet, résulter de simples témoignages ou de quelques cas non contrôlés.
Ce dossier a été transmis pour étude au groupe de travail spécial mis en place à ma demande pour accélérer l'étude des thérapeutiques de ces maladies. L'analyse des dossiers de vingt-sept patients traités pour infection VIH pendant plus de trois mois n'a pas montré d'efficacité.
Aucun dossier concernant des patients atteints de cancers n'a été adressé par M. Beljanski.

L'association Cobra change de nom pour celui de "La Main tendue", tandis que Beljanski est accueilli par Le Patriarche, qui finance ses recherches et lui procure la population de séropositifs nécessaire. Quelle que soit la valeur des travaux de Beljanski, on ne peut que s'étonner de cette alliance... "Si tu dînes avec le diable, utilise une cuillère à long manche."

A lire :
- Médecines parallèles et cancers. Dr. Olivier Jallut
- La magie et la raison. Simon Schraub
- Petit traité de l'imposture scientifique. Aleksandra Kroh
- Les charlatans de la santé. Jean-Marie ABGRALL

A visiter :
- Les traitements "alternatifs" contre le cancer
- La loi d'airain de Ryke Geerd Hamer

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