vendredi 14 octobre 2011

Ötzi, l’homme des glaces alpines : extraordinaires révélations sur la vie quotidienne des Européens proto-historiques

Le paléolithique, de même que les débuts de l’âge du bronze en Europe centrale, n’ont pas été des époques étudiées de manière optimale jusqu’ici. Les esprits se sont longtemps focalisés sur l’Asie Mineure et sur l’Égypte donc bon nombre d’archéologues ont négligé leur propre patrie européenne. Le dogme “ex oriente lux” n’a cessé de troubler les esprits et les a empêchés de chercher à comprendre le développement de la culture autochtone européenne. On entend encore trop souvent parler des “sauvages en peau de bête” quand on évoque les habitants d’Europe centrale avant et pendant les migrations des peuples, consécutives à la chute de l’Empire romain.
Mais l’étonnement est venu quand on a constaté qu’Ötzi, l’homme des glaces alpines, portait des chaussures fermées qui n’étaient pas, comme on l’avait cru jusqu’ici, en peau de cerf ou de chevreuil mais avaient été confectionnées avec de la peau de bovidé. Les réalisations culturelles en Europe centrale à cette époque étaient donc beaucoup plus avancées et complexes que les archéologues conventionnels ne l’avaient cru jusqu’alors. En effet, pour pouvoir fabriquer de telles chaussures, avec un tel matériau de base, cela implique qu’il y avait élevage d’animaux, fonctionnant bien, c’est-à-dire un élevage suffisamment sophistiqué où l’on prévoit du fourrage que l’on fauche puis que l’on stocke. C’est là une technique de vie qui n’est pas aisément applicable dans une région qui connaît des hivers durs.
Mais ce qui est particulièrement important, c’est la découverte de tatouages sur l’épiderme de l’homme des glaces. Sur la peau de la momie du glacier alpin, on a trouvé quarante-sept marques tatouées (sous la forme d’un trait), qui sont classables en quinze groupes différents. Neuf des quinze tatouages se trouvent exactement sur les points (ou à proximité de ceux-ci) que retient l’acupuncture classique. La position et surtout les combinaisons possibles de chacun de ces points sont encore utilisées aujourd’hui en acupuncture pour soigner les maladies dérivées de l’arthrose. Le corps d’Ötzi est étudié sous toutes les coutures depuis vingt ans maintenant et les scientifiques ont découvert que notre homme de la proto-histoire souffrait de modifications arthriques des vertèbres lombaires de la colonne vertébrale et de dégénérescences des articulations des jambes. Outre les modifications observées de la colonne vertébrale et des articulations des jambes, les médecins proto-historiques d’Europe centrale, qui se sont penchés sur le cas d’Ötzi, ont apparemment soigné aussi des complications de l’appareil digestif, dues très probablement à des parasites. Les tatouages aux niveaux de la vésicule biliaire, de la rate et du “méridien du foie” plaident en faveur d’un traitement pareil à celui de l’acupuncture. L’acupuncture repose sur le phénomène suivant : des excitations par piqûres en des endroits spécifiques de l’épiderme entraînent des modifications dans la fonction des organes internes. Plusieurs effets de l’acupuncture sont scientifiquement attestés aujourd’hui, comme par exemple la diminution du tonus musculaire ou des effets ralentissant l’inflammation ou encore des influences sur le système nerveux central, dans la mesure où l’endorphine se produit alors en quantité supérieure.
Le fait est désormais patent : l’acupuncture était connue dès 3200 avant l’ère chrétienne en Europe centrale et non pas seulement pour jouer sur les seuls symptômes. Elle était bel et bien pratiquée, ce qui laisse supposer qu’elle émanait d’une tradition plusieurs fois centenaire. Cela signifie aussi que la pratique de l’acupuncture est beaucoup plus ancienne que Ötzi lui-même, car le fait qu’il en ait bénéficié implique une longue expérience antérieure de cette pratique médicale. Ensuite, on sait désormais que la pratique de l’acupuncture ne trouve pas seulement ses origines en Chine.
Au début des recherches sur le cadavre d’Ötzi, les archéologues avaient nié que les tatouages avaient pour but de guider un acupuncteur. Il a fallu que des journaux médicaux réputés, comme “The Lancet” et “Science”, publient des articles sur la question pour que les avis des archéologues s’alignent sur ceux des médecins. Comme jadis, les dogmes ont la vie dure, surtout celui de l’ “ex oriente lux”. Tenir à ces dogmes semblent pour beaucoup  de nos contemporains plus important qu’accepter les observations dérivées de l’intelligence et de la logique humaines et les faits objectifs que celles-ci mettent à jour. Cette vérité ne vaut pas que pour les études préhistoriques et protohistoriques.
Harald WINTER.
(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°38/2011 – http://www.zurzeit.at ).
par R. Steuckers

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