jeudi 17 novembre 2011

1725 : Une reine trop discrète

Le 5 septembre, Louis XV épouse Marie Sophie Leszczynska, princesse de Pologne.
Cette année-là, la dixième de son règne, Louis XV, quinze ans, épousait Marie-Sophie Leszczynska, de sept ans et demi son aînée. Le choix de la deuxième fille de Stanislas Leszczynski, roi détrôné de Pologne, vivant modestement dans le vieux château de Wissembourg (Alsace) grâce à des subsides français, étonnait la cour de Versailles et même le bon peuple de France.
En fait le jeune Louis XV avait été fiancé en 1721 à onze ans à sa cousine germaine Marie-Anne-Victoire d'Espagne qui avait trois ans. Celle-ci était la fille de Philippe V (le premier Bourbon d'Espagne) et de sa seconde épouse l'impétueuse Élisabeth Farnèse de Parme. Venue en France pour apprendre son métier de reine, la petite infante avait conquis la cour par son charme ingénu. Sauf, semble-t-il, son promis : lorsqu'il la rencontrait, il partait pour la chasse tandis qu'elle lui montrait ses poupées…
Or, la santé du jeune roi était loin d'être florissante et beaucoup s'inquiétaient à l'idée que ce mariage, vu l'âge de Marie-Anne-Victoire, ne pourrait pas être célébré de sitôt, donc que la descendance n'était pas assurée avant longtemps… Le plus inquiet était le Premier ministre et prince du sang, le duc de Bourbon, qui redoutait de voir monter sur le trône le fils du défunt Régent, nouveau duc d'Orléans. Le duc de Bourbon, influencé par sa maîtresse, Mme de Prie, décida en 1725 de rompre le projet de mariage espagnol et la petite infante, alors âgée de sept ans et regrettée de tous, fut renvoyée à Madrid avec excuses et force cadeaux qui ne suffirent pas à calmer la colère de Philippe V… (Marie-Anne-Victoire devait épouser en 1729 Joseph 1er, roi du Portugal.)
Une élue inattendue
Restait à trouver une nouvelle future reine de France… Mme de Prie s'arrogea le droit, au nom du duc de Bourbon, de choisir en écartant toute princesse liée aux Orléans… L'”élue” fut celle qui s'y attendait le moins : Marie Leszczynska (qui avait naguère été pressentie pour être la seconde épouse… du duc de Bourbon !). Cette solide Polonaise, sans royaume et sans dot, déjà “vieille” (vingt-deux ans !) et sans grande réputation de beauté, pouvait-elle satisfaire le séduisant garçon de quinze ans qu'était Louis XV, porteur de la plus prestigieuse couronne d'Europe ?
Dès le 15 août, le jeune duc d'Orléans, au nom du roi, épousa Marie par procuration dans la cathédrale de Strasbourg. Deux jours plus tard, elle partit en cortège en distribuant largement des aumônes sur la route, vers Moret où l'attendait Louis XV. La rencontre eut lieu le 4 septembre : Marie, simple et naturelle, émue et souriante, fut tout de suite fascinée par ce jeune éphèbe, lequel, jusqu'alors un peu distant avec les femmes, se montra aussitôt enjoué. Comme l'explique Michel Antoine dans son Louis XV (Fayard), le jeune roi, orphelin de père à deux ans et de mère à quatre ans, découvrait en Marie, qui elle aussi avait souffert, certes une épouse, mais aussi un soutien maternel.
Le mariage fut célébré le lendemain par le Grand Aumônier de France dans les plus grands fastes à Fontainebleau, suivi d'éblouissantes festivités. Tous les historiens disent que l'union fut consommée la nuit suivante, tant le roi, au sortir d'une jeunesse très sage, était pressé de montrer qu'il était un homme.
Dix enfants
Dix enfants devaient naître dont le dauphin Louis (1729-1765, père de Louis XVI) qui allait épouser l'infante Marie-Thérèse d'Espagne, soeur de l'ancienne fiancée de Louis XV, tandis que sa soeur Louise-Élisabeth de France, épouserait Don Philippe, duc de Parme, frère de la même ancienne fiancée du roi. Le mauvais effet de la rupture de 1725 serait ainsi effacé.
On sait que Louis XV ne fut pas un modèle de fidélité conjugale… Marie supporta son sort avec grande dignité, élevant très chrétiennement ses enfants, - ne marquant nulle animosité à l'égard de Mme de Pompadour, - tenant un salon fréquenté par de grands artistes - attirant à la cour par exemple le prodige du temps, le jeune Mozart -, gardant de bonnes relations avec son père qu'elle chérissait et qui, ne parvenant pas à redevenir roi de Pologne, avait reçu les duchés de Lorraine et de Bar en viager et embellissait Nancy et Lunéville. Cette reine trop discrète mériterait une meilleure place dans la mémoire des historiens.
De son côté Louis XV ne cessa jamais de voir en Marie son épouse devant Dieu. Les turbulences du coeur qui finirent par le laisser bien désenchanté, ne lui faisaient pas oublier que, même “arrangé”, ce mariage était chose sacrée. Quand Marie mourut le 24 juin 1768, la mort du dauphin Louis venait de les rapprocher dans la douleur…
MICHEL FROMENTOUX L’Action Française 2000 du 2 au 15 octobre 2008

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