mardi 15 novembre 2011

La fin de l’empire romain en Gaule


Au III ème siècle, l'empire romain était en crise et la Gaule en pleine incertitude. Les causes en sont multiples. L'empereur Gallien avait bien tenté d'arrêter sur le Rhin les incursions des Germains qui semaient la désolation sur le territoire mais c'est l'empereur gaulois Posthumus qui avait finalement ramené l'ordre et la sécurité. Soutenu par le pays éduen, c'est ensuite Constance-Chlore puis Constantin qui, depuis la Gaule, avaient rétabli la grandeur de l'empire.
Constantin le Grand a-t-il trompé et trahi les Gaulois en transférant son siège d'Augustodunum/Bibracte/Mt-St-Vincent (1) à Constantinople ? Oui, si l'on en juge en constatant la suite de l'Histoire.
Un Occident en difficulté, menacé sur ses frontières.

Lorsque le grand Constantin eut pris possession du royaume du ciel, l'empire qu'il avait possédé sur la terre fut partagé entre ses trois fils (2). Or, à Augustodunum, Constant s'entourait d'étrangers ce qui provoqua une révolte de son entourage éduen, sa fuite puis sa mise à mort (3).
Maître d' Augustodunum, Marcellinus essaie de reprendre la main. Il s'assure du concours des Lètes récemment immigrés en élevant sur le pavois l'un d'entre eux, Magnence. Ces Lètes avaient prouvé leur attachement à leur nouvelle patrie en 359, à Amida, où les deux légions de Magnence y avaient trouvé une mort glorieuse face aux Perses (4).
En 361, Marcellinus et Magnence conduisent leur armée contre l'empereur d'Orient, Constance, dernier fils de Constantin et héritier pourtant légitime. Tragique expédition qui se termine par leur défaite, à Mursa. Les Gaulois sont écrasés après la défection des Francs qui les accompagnaient. Véritable carnage, ce n'était plus un combat mais un règlement de compte entre les Illyriens et les Celtes (5). Les événements qui suivent confirment les craintes de Marcellinus et lui donnent raison à postériori. Entouré d'une cour d'officiers alamans, l'empereur Constance, tout à ses intrigues, a laissé, voire encouragé, les Alamans à envahir la Gaule (6).
Véritable sursaut contre la politique laxiste ou hostile de l'empereur d'Orient, les Gaulois applaudissent Julien César quand celui-ci part en campagne contre les bandes infiltrées qui errent dans le pays. Parvenu au sommet de la renommée pour avoir rétabli la frontière du Rhin, ils l'élèvent sur le pavois et font de lui, leur empereur. Puis ils portent un fer victorieux jusqu'en Orient. Pendant que Julien tente d'y rétablir l'unité de l'empire, ils festoient dans les temples (7). Leur défaite contre la puissance montante sassanide des Perses met fin à leur entreprise. Julien meurt en combattant. Nous sommes en l'an 363.
La tournant de la fin du IV ème siècle se joue à Rome.
Dès le III ème siècle, Rome avait étendu la citoyenneté romaine à tous les sujets de l'empire, y compris aux barbares issus du butin de guerre, ou ralliés, ou fédérés, ou mercenaires (a).
(a) Pour tout Romain, le Barbare n'était pas un être sauvage et assoiffé de sang mais un homme qui parlait un langage qui lui était incompréhensible et dont la civilisation lui apparaissait primitive (linternaute, histoire).
Un siècle a suffi pour que les descendants de ces barbares romanisés se multiplient jusqu'à concurrencer les Romains d'origine que cela soit dans les fonctions militaires ou civiles. Zozime et Julien vont même jusqu'à reprocher à Constantin d'avoir fait preuve d'une partialité scandaleuse en faveur des étrangers (8). Rome n'était plus dans Rome et la ville n'avait plus d'intérêt et de gloire que d'être encore le siège officiel de l'empereur en titre, même fantoche. Certes, il n'est pas dit que ces barbares romanisés aient manqué à leurs devoirs civiques mais avec toutefois quelques nuances annonciatrices de désirs hégémoniques et de futures rivalités.
Alors que les dissensions n'avaient pas encore éclaté au grand jour, on adoptait les usages des nouveaux venus, leurs costumes, leurs armes et même leurs chants de guerre. Il y eut un tel engouement qu'à Rome, en souvenir de l'ancienne dignité romaine, les autorités durent interdire la mode barbare des hautes chausses, des pantalons, des longs cheveux et des fourrures (8).
En 406, sous la forte pression des barbares extérieurs à l'empire, la frontière du Rhin cède.
Rome n'est plus dans Rome. Les redoutables légions romaines de Pompée et de César ne sont plus que des souvenirs. Menacée en Italie par les troupes wisigothes d'Alaric, Rome n'a plus les moyens de tenir la frontière du Rhin. Profitant d'un hiver particulièrement rigoureux où le fleuve est gelé, Vandales, Suèves et Alains le franchissent. Ils traversent la Gaule en contournant le pays éduen par le nord et l'ouest et se fixent en Espagne tandis que les Burgondes et les Francs qui les suivent restent sur les territoires frontaliers.
En 410, Rome est prise et pillée par les Wisigoths d'Alaric. C'est le premier sac de Rome qui a un énorme retentissement. La Ville compose avec ses nouveaux protecteurs désormais installés en Narbonnaise puis en Aquitaine où ils fondent un royaume.
En Gaule, rien de tel ! Au nord, on intègre dans le dispositif défensif la tribu des Francs saliens pour qu'ils s'opposent désormais aux tentatives de franchissement de leurs cousins, autres Francs. Plus au sud, les Eduens invitent les Burgondes (9) à s'installer chez eux en leur donnant des terres et les installent en dispositif défensif avant, d'Orléans à l'aile gauche à Genève à l'aile droite, poste de commandement au castrum de Chalon-sur-Saône/Taisey (ma thèse), Lyon en base arrière.
La bataille des champs catalauniques a donné un coup d'arrêt aux grandes invasions mais a ouvert une période de conflits entre les Francs et les Goths.
Renforcés par des peuplades germaniques, les Huns d'Attila franchissent le Rhin et dévastent la Gaule du nord. Ils brûlent les villes, entassent le butin, échouent devant Paris, assiègent Orléans qui résiste. En 451, aux champs catalauniques, ils sont battus par le romain Aetius que seconde l'arverne Avitus. Les fédérés, Burgondes, Francs, Alains, auxquels se sont joints les Wisigoths, sortent victorieux de ce gigantesque combat tout en s'imposant dorénavant comme les protecteurs désormais incontournables des cités gauloises.
En contraste avec la Gaule du nord, aucun texte ne dit en revanche qu'une invasion ait emprunté le couloir Saône/Rhône. Le chemin des invasions contourne le pays éduen. C'est un point très important à souligner. Car si les textes relatent les terribles ravages subis par les Gaulois sur le chemin des invasions, on peut très bien supposer qu'ailleurs, la civilisation a continué à prospérer tout en devenant chrétienne ; accidents climatiques et famines épisodiques étant toujours possibles.
En Burgundie, Chalon-sur-Saône nous révèle une situation trés étonnante. Alors que les habitants de la ville vivent très chrétiennement leurs habitudes au pied de leur magnifique basilique, le roi Gontran vit dans la rusticité de son ancien castrum tout en se contentant d'une modeste église de village (10). http://www.agoravox.fr/tribune-libr… et http://www.agoravox.fr/tribune-libr….
Gontran est un roi franc fils de mère burgonde. Ses ancêtres rois burgondes ont été supplantés par les Francs après qu'ils aient été délogés de la forteresse d'Augustodunum, toujours existante mais un peu perdue au fond des bois (11). Dans l'histoire des évêques de Chalon, cette anecdote ne semble pas avoir troublé outre mesure nos saints directeurs de conscience, tellement ils étaient persuadés de la futilité de leurs protecteurs sans éducation.
Les écrits de Sidoïne Apolinaire sont des témoignages extrêmement précieux pour cette période charnière. Ils nous révèlent la tentative arverne d'Avitus, malheureusement sans lendemain, d'aider Rome à se relever, une solidarité avec les Eduens qui détachèrent auprès du comte/poète un détachement de Burgondes, mais sutout une communion de pensée entre évêques de haute culture, imbus de poésies et d'éloquence, qui ne pouvaient pas s'imaginer que leur monde d'innocence touchait à sa fin (a).
La duplicité du romain Séronat qui remplissait les prisons de citoyens arvernes, qui peuplait le pays d'étrangers (12), le coup de main du roi goth Euric sur le sanctuaire d'Augnemetum (13), l'arrivée des Francs, l'exil, il a fallu tout cela pour que Sidoïne Apollinaire et ses amis évêques se rendent compte enfin que le monde avait changé.
(a) - Innocence, cela signifie que conformément aux prédications de saint Martin, Christi ego miles sum ; pugnare mihi non licet (14). Je suis un soldat du Christ ; combattre ne m'est pas permis. Cela signifie que seules les grandes processions religieuses pouvaient conjurer le mauvais sort et qu'à défaut, mieux valait laisser aux barbares le soin de régler les viles affaires, damnés qu'ils étaient déjà.
Il apparait clairement que le pays éduen a échappé aux tribulations de cette période troublée.
Cela signifie qu'il n'y a aucune raison d'invoquer des invasions barbares qui auraient détruit en Bourgogne d'anciens monuments existants. Cela signifie que lorsque le site internet de Chalon-sur-Saône prétend que la ville a été détruite par les invasions germaniques, c'est tout simplement faux.
Cela signifie que, chronologiquement, il est tout à fait logique de voir s'élever à Mont-Saint-Vincent/Bibracte le premier temple et le premier oppidum des Celtes, le castrum de Cabillodunum sur la colline de Taisey, puis la basilique/cathédrale/le plus beau temple de l'univers à Cabillo/ville de Chalon, puis l'église/cathédrale Saint-Etienne/Saint-Jean à Lyon, puis la petite église franco-burgonde du roi Gontran à Sevrey. Et cet exemple devrait amener les historiens des autres provinces à se remettre, eux aussi, en question. Relisez mes articles et essayez de comprendre leur cohérence et l'incohérence de ceux qui les critiquent sans avancer d'arguments sérieux.
Pourquoi inventer en Bourgogne, des villes en feu, des monuments qui s'écroulent, des territoires dévastés alors qu'aucun texte ne l'indique. Les seules dévastations dûement prouvées sont celles qu'autorisa Louis VII, en 1166, lorsqu'il livra la vallée de la Saône aux exactions de la soldatesque ainsi que les mutilations de nos bâtiments religieux par les révolutionnaires.
Cela signifie que c'est une absurdité totale d'appliquer à la Bourgogne des textes qui relatent des destructions qui se sont faites ailleurs, d'imaginer une parenthèse d'évolution et une quasi-renaissance vers le XIème siècle. Cela signifie que si, au Vème siècle, les greniers à blé y sont pleins (15), si l'évêque de Lyon peut secourir une bonne partie de la Gaule victime des tribulations de cette époque, c'est que la Burgundie était exempte de ces maux grâce à son système de défense.


Renvois :
1. Augustodunum. Il s'agit de Mont-Saint-Vincent, en Bourgogne du sud, l'antique Bibracte. Voyez tous les articles que j'ai publiés à ce sujet. Autun, bien que portant le même nom latin, n'est encore, à cette époque, que la ville de Mt-St-Vincent/Augustodunum/le sanctuaire. Le mont Beuvray est l'oppidum boïen de Gorgobina que cite César dans ses Commentaires.
2. Zonare : Annales.
3. Zozime : Histoire romaine.
4. Ammien Marcellin, Histoire, tome II, livre XIX.
5. Julien : Eloge de Constance, 29. Constance ou de la royauté, 8.
6. Ammien Marcellin ou Julien ?
7. Ammien Marcellin, livre XXII, chap XII, 6
8. Eugène Léotard, Essai sur la condition des Barbares, http://www.mediterranee-antique.inf…
9. Chronique de Frédégaire.
11. Il s'agit de la forteresse de Mont-Saint-Vincent et non d'Autun. Grégoire de Tours, Histoire des Francs.
12. Sid. Apol. , lettres, livre II, 1.
13. Augnemetum, il s'agit de l'antique Gergovie sur l'éperon du Crest. http://www.agoravox.fr/culture-lois…
14. Saint Martin, 316 - 397. Vita Beati Martini, chap. IV, fol. 162D.
15. Sidoïne Apollinaire, Lettres VI, 12.

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