samedi 19 novembre 2011

Redécouvrir Louis XIII

Cet ouvrage remarquable, rigoureusement fondé sur les sources et sur les travaux les plus récents - ceux notamment de Roland Mousnier et de ses élèves - n'est pas seulement une biographie de Louis XIII, mais aussi une histoire du royaume dans une Europe secouée par des événements dramatiques, entre 1610 et 1643.
 
Le jeune Louis XIII avait connu une enfance des plus triste, après la mort tragique de son père, auprès de Marie de Médicis, « Junon courroucée, mère abusive, assoiffée de considération, de pouvoir et d'honneur » ; il se révéla, à l'âge de quinze ans et demi, lors de l'élimination de Concini, d'une maîtrise de soi qui frappa les contemporains de ce coup d'État royal.
 
Ardent militaire
 
Le souverain malade, timide, bègue, complexé, se révéla pourtant, à l'image de son père, un militaire « animé d'une ardeur sans défaut », et, à la bataille du Pont-de-Cé, « d'une aisance déconcertante, cuirassant ses faiblesses derrière la stature d'un général en chef ». De même, le 26 mars 1629, le roi, « l'épée haute au poing, accompagné de quelques grenadiers, escalade les rochers, les tonneaux et les palissades remparées » au Pas de Suse. Lors de la crise de Corbie, en 1636, le Roi est le seul, à Paris, à refuser de céder à la panique. L'ouvrage de Jean-Christian Petitfils accorde une juste place à l'histoire militaire. Il évoque la reconquête, le 24 mars 1637, des îles de Lérins sur les Espagnols, grâce à des barques à fond plat, susceptibles de transporter chacune quatre cents soldats, remorquées par des brigantins depuis le golfe Juan. « Cette invention de l'ingénieur Du Plessis Besanson était la première barge de débarquement... »
 
Conscient de ses limites, mais pénétré de son sens du devoir et de la grandeur de son rôle, Louis XIII sut s'associer un prélat qui était pourtant un ancien courtisan de Marie de Médicis, et conclure avec lui un véritable pacte politique. Charles Maurras écrivait : « Ni le vieux Guillaume (Ier) ni Victor-Emmanuel, ni Louis XIII n'ont été des princes médiocres, et cependant l'historien politique ou le politique philosophe est tenté de leur préférer le magnifique Louis XIII qui permit au grand cardinal son incomparable dictature fondatrice et réparatrice. »
 
Un coup inouï
 
Cette collaboration de deux hommes en mauvaise santé n'allait pas sans heurts. Le cardinal malade, surchargé de problèmes d'une immense diversité, en lutte à de terribles hostilités, éprouvait la tentation permanente de la démission et de la retraite. C'était le roi qui « remontait le moral de son ministre ». Par ailleurs, le grand cardinal présentait certains petits côtés : son obsession policière, son orgueil ou sa vanité, son goût du luxe et de l'ostentation. Mais, liés par le sens du service de l'État, de l'unité et de la grandeur du royaume (alors que le souvenir des guerres de Religion était tout proche) ils réussirent ce coup inouï de faire payer volontairement les "riches", selon le mot de Françoise Bayard : « Grâce aux bourgeois et aux nobles de robe, à leur vanité et à leur engouement pour les offices. » En 1633, les recettes provenant de la vénalité de charges constituaient 52 % de recettes de l'État. Le reste était surtout dû aux emprunts.
 
Le sens de l'État, et, davantage encore sans doute, une profonde foi catholique unissaient le roi et son ministre. M. Petitfils souligne que c'est à la dévotion du Roi, à son voeu, que l'on doit la fête du 15 août, toujours bien vivante de nos jours. On doit aussi au Roi et au Cardinal la répression de l'agitation protestante dans certaines provinces du Midi. « On ne mesure pas toujours l'importance de cet édit de grâce d'Alès, qui marque vraiment la fin des guerres de Religion, plus que l'édit de Nantes, trêve de circonstance, exagérément magnifiée par l'historiographie française. »
 
Des complots à répétition
 
Mais l'agitation nobiliaire (de caractère religieux ou non), les mouvements populaires dûs à la conjoncture économique difficile et à l'intrusion unificatrice des commissaires royaux dans des communautés privilégiées, ont profondément marqué ce règne, ainsi que les complots à répétitions, dûs à des gentilshommes, grands lecteurs de Plutarque, nourris de philosophie stoïcienne, d'idéaux chevaleresques et de nostalgies féodales ; certains personnages aventureux rejoignent les dévots dans leurs dénonciations des souffrances dues aux guerres ou aux difficultés nées des mauvaises récoltes. Et ils relancent l'idée de la tenue d'états généraux périodiques. Jeu des ambitions, jalousies personnelles, ainsi que le modèle de Brutus animent maints complots contre Richelieu, auxquels participa Gaston d'Orléans - heureusement un perpétuel indécis...
 
La France doit alors faire face à l'impérialisme espagnol, masqué de raisons ou de prétextes religieux. Et la Défenestration de Prague, le 23 mais 1618, marque, pour la plus grande partie de l'Europe, le début d'une période dramatique de plus de trente ans... La France connaît un grand péril, notamment l'année de Corbie (1636) ; au milieu de la tempête défaitiste, seul le Roi sait insuffler aux Parisiens l'élan patriotique qui va contribuer à les sauver. Le livre de Jean-Christian Petitfils est aussi bien écrit que bien informé. On le lit d'un bout à l'autre avec plaisir.
RENÉ PILLORGET L’Action Française du 2 au 15 octobre 2008
* Jean-Christian Petitfils : Louis XIII. Éd. Perrin, 2008, 970 p., 28 euros.
* Un recenseur, dans la presse quotidienne, a reproché à M. Petitfils d'avoir « négligé la question de la sexualité du roi ». Je me permets de le renvoyer aux pages 190, 211, 287- 290 de ce livre. Le problème y est traité avec beaucoup de tact.

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