lundi 19 décembre 2011

1051 : Une alliance franco-russe

Le 19 mai, Henri Ier épouse Anne de Kiev.
Cette année-là, la vingtième de son règne, Henri Ier, quarante- trois ans, petit-fils d’Hugues Capet, épousait une princesse venue du bout du monde… Il était difficile pour le roi de France de rencontrer en Occident une fille de roi qui ne fût pas sa cousine à quelque degré, et il ne voulait pas connaître à son tour les difficultés avec l’Église vécues par son père Robert II le Pieux quand celui-ci s’était épris de Berthe de Bourgogne.
En outre, Henri n’avait pas eu de chance avec les femmes issues des pays voisins : sa première fiancée, Mathilde, fille de l’empereur Conrad lI le Salique, avait quitté ce monde à l’âge de sept ans en 1034 ; il avait épousé la même année une autre Mathilde, fille de Luidolf de Frise, nièce de l’empereur Henri III, alors âgée de moins de dix ans et qui mourut en 1044 après lui avoir donné, semble-t-il, une fille morte au berceau.
Le roi veuf dut se remettre en quête… Or voici que vers 1049, il entendit son entourage louer la Russie, ce grand pays devenu chrétien grâce au prince de Kiev, saint Vladimir Ier le Grand (958-1015), qui, à l’instar de notre Clovis cinq cents ans plus tôt, avait reçu le baptême en 988, converti par son épouse Anne Porphyrogénète, soeur de l’empereur de Constantinople Basile II. Le fils de ce dernier, Iaroslav le Sage (978-1054), donnait à son pays un grand essor. De son épouse Ingigerd de Suède, il avait deux filles dont la deuxième, Anne, âgée d’une vingtaine d’années, était réputée pour sa beauté ravissante, même sensuelle, comme des informateurs l’avaient rapporté à Henri…
Il n’en fallut pas plus pour que le roi envoyât, sous la conduite de Roger, évêque de Chalons-sur-Marne, une ambassade chargée de bijoux qui demanda à Iaroslav la main de sa fille Anne pour le roi de France. Une telle proposition ne pouvait être refusée, et le prince slave était trop heureux d’ouvrir son pays à l’Occident. Anne fut sans tarder conduite en France sous une brillante et galante escorte. Henri, la voyant arriver à Reims au printemps 1051, en tomba aussitôt amoureux. Certains ont raconté qu’écartant les présentations d’usage, il se serait littéralement jeté sur elle devant tout le monde pour l’embrasser et que, l’étreinte un peu desserrée, elle lui aurait dit en rougissant : « Je suppose que c’est vous, n’est-ce pas, qui êtes le roi »…
Le charme slave
Le mariage fut célébré le 19 mai et la nouvelle reine se révéla aussitôt pieuse et charitable, avec le sourire et toujours dans la discrétion. Elle donna le jour en 1053 au futur Philippe Ier, ainsi prénommé en souvenir des rois de Macédoine dont prétendait descendre la Maison de Kiev. Tous les Philippe français, dont six rois, doivent depuis lors leur prénom à cette première alliance russe. Une alliance qui n’eut guère le temps de porter tous ses fruits, puisque le roi Henri Ier mourut dès 1060, après avoir l’année précédente pris la sage et désormais habituelle précaution de faire sacrer Philippe qui, de sa frèle et charmante voix de six ans, prononça impeccablement le serment du sacre.
La régence revenant à l’oncle de l’enfant, Baudouin, comte de Flandre, Anne se retira dans le Valois d’abord à l’abbaye Saint-Vincent de Senlis, puis se mit à organiser des réceptions plus mondaines, attirant de galants seigneurs. L’un d’eux, Raoul, comte de Crépy-en-Valois, avait en 1051 accueilli au nom du roi la future reine à Montreuil-sur-Mer pour l’escorter jusqu’à Senlis : il ne l’avait jamais oubliée ! Marié, puis veuf, puis remarié sans amour, il osa tout bonnement enlever la reine-mère et la conduire secrètement à un prêtre facile… qui les maria. Les amoureux bravèrent des années durant les foudres de l’excommunication, puis tout s’apaisa à la mort de l’épouse légitime de Raoul. Après la mort de celui-ci en 1071, les historiens perdent la trace de la reine Anne, selon certains retournée en Russie, selon d’autres morte discrètement près de La Ferté-Allais vers 1076.
Quoi qu’il en soit, ce mariage fut un événement de grande portée. Se rappeler que les relations franco-russes sont plus que millénaires et que tous les rois capétiens depuis Philippe Ier ont dans les veines du sang russe, n’est pas sans intérêt pour les relations diplomatiques de notre monde d’aujourd’hui.
MICHEL FROMENTOUX  L’Action Française 2000 du 18 septembre au 1 er octobre 2008

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