dimanche 27 mai 2012

Ernest Renan

Ernest Renan est né le 28 février 1823 à Tréguier, en Bretagne, dans une famille modeste. Son père meurt alors qu'il n'est âgé que de cinq ans. Il fait de brillantes études. À l'âge de quinze ans, il "monte" à Paris, une bourse lui ayant été offerte pour poursuivre ses études au petit séminaire de Saint-Nicolas-du Chardonnet. Isolé parmi des jeunes de la haute société, il y perdra une partie de l'ardeur de sa foi et renoncera en 1845 à poursuivre une carrière ecclésiastique. Il obtient l'agrégation en septembre 1848 et l'Académie des Inscriptions le désigna pour la chaire de langue hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège de France. Sa leçon inaugurale fit scandale, provoquant des bagarres. Il présente Jésus comme « un homme incomparable », ce qui le rend digne d'être « appelé Dieu ». Un arrêté du ministre de l'Instruction publique ne tarde pas à suspendre son cours. Sa Vie de Jésus paraît en mai 1863, et rencontre un énorme succès. Plus de 60 000 exemplaires se vendront. Ses idées ne tarderont pas à évoluer. Il se réfère à l'ordre qu'enseignent les dieux grecs. La société est « une hiérarchie ». L'humanité progresse, selon lui, lorsque les ferments d'aristocratie trouvent une atmosphère propice à leur développement. Renan souhaitait une monarchie orléaniste ou un conseil présidé par Jérôme Napoléon, qui connaissait bien la Prusse. La proclamation de la République fut une catastrophe. Elle aggrava lourdement les conséquences de la guerre. L'Allemagne réclamait au départ Strasbourg et un milliard de dommages. Au final, il faudra céder l'Alsace et la Moselle et verser 5 milliards. La République coûta fort cher à la France, car il est probable que les souverains européens auraient fait pression sur l'empereur d'Allemagne pour améliorer les conditions de la paix. Le nouveau régime comble cependant Renan d'honneurs. En 1878, il est élu à l'Académie française. Alors commence sa carrière de « défroqué en chef », pour reprendre la formule de Charles Péguy.
Ernest Renan avait exposé ses idées politiques dans un ouvrage, composé en 1871, intitulé La réforme intellectuelle et morale. Il y tire les conséquences de la défaite de 1870 : « Enervée par la démocratie, démoralisée par la prospérité même, la France a expié de la manière la plus cruelle ses années d'égarement. » Il considère que le mal est profond et que les faiblesses de la France trouvent leur origine dans une démocratie mal comprise. Selon lui, un pays ne peut respecter des gouvernants qu'il a lui-même élus, et qui ont dû s'abaisser à son niveau pour recueillir ses suffrages. Il considère que la moyenne intellectuelle du corps électoral est à peine celle d'un homme ignorant et borné, et qu'il serait surprenant que de cette masse puisse sortir un gouvernement brillant, fort, éclairé. Renan s'en prend à la démocratie bavarde et superficielle, qui ne satisfait que la sottise et la vanité, et il insiste sur la nécessaire dimension aristocratique : « La conscience d'une nation réside dans la partie éclairée de la nation, laquelle entraîne et commande le reste. La civilisation, à l'origine, a été l'œuvre d'un  tout petit nombre (nobles et prêtres) au sein d'une foule qui, abandonnée à elle-même, les laisse tomber »... Pour Renan, le plus grave danger est que le monde moderne peut se désolidariser du passé, qu'il veut tout réinventer. Mais lorsqu'il n'y a plus de chaîne entre les morts et les vivants, l'avenir est compromis. Et puis, il y a une fatalité dans la République : elle provoque l'anarchie, l'immoralité et est tentée de détruire son histoire. Renan va proposer deux remèdes : à côté d'une assemblée élue par tous les citoyens devrait exister une seconde chambre, élue au suffrage universel indirect, où siégeraient à vie « les autorités sociales, qui seraient les gardiens des mœurs, les surveillants des deniers publics. » Une sorte de chambre des Corporations... Renan était aussi fasciné par la science, et adhéra immédiatement aux théories de Darwin sur l'évolution des espèces. Il établit un rapport étroit entre les religions et leurs racines ethnico-géographiques.
Dans son ouvrage paru en 1882, Qu'est-ce qu'une nation ?, il formula l'idée qu'une nation repose sur un réel passé commun et sur une volonté d'association : « Ce qui constitue une nation, ce n'est pas déparier la même langue, ou d'appartenir à un groupe ethnographique commun, c'est d'avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir encore en faire dans l'avenir... » On croit lire Barrès…
Ernest Renan meurt le 2 octobre 1892 en murmurant : « Mon Dieu, ayez pitié de moi, comme j'ai pitié de moi-même. »
R.S. Rivarol du 16 mars 2012

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