samedi 2 juin 2012

La femme au Moyen Âge

Pourquoi évoquer la femme au Moyen-âge ? Tout simplement parce que durant cette période de l’histoire, la société occidentale est profondément chrétienne, et que par-là même, la femme médiévale est entièrement guidée depuis sa naissance jusqu’à son décès par la religion. De la chute de l’Empire Romain en 476 jusqu’à la découverte des Amériques en 1492, l’Europe vît une période où la Foi catholique écrit une de ses plus belles pages de gloires. Sur cette époque qui couvre presque un millénaire, la femme va voir son rôle au sein de la famille et de la société être presque porté à la perfection. Trois raisons semble-t-il expliquent cette situation unique que va connaître la femme médiévale.
D’une part les origines essentiellement gauloises et germaniques de la population occidentale, où on le verra la femme occupe une place toute particulière. La christianisation de l’Europe d’autre part, qui par la place que la Sainte Vierge occupe au sein de l’Eglise fait participer l’ensemble des femmes à sa gloire. Enfin, les artistes de l’époque qui plaçant la femme sur un piédestal et voyant en elle la suzeraine de leur inspiration propagent à travers la société l’image d’une femme idéale tant sur le plan spirituel, que sur le plan humain.
II.LA FEMME AVANT LE MOYEN-AGE
Chez les races primitives, qui demandent, soit à la chasse, soit à la pêche, l’entretien d’une vie nomade, la perversion des idées religieuses va de pair avec le mépris du sexe le plus faible. La femme est achetée, vendue, répudiée, condamnée aux plus durs travaux. Comment l’homme s’attacherait-il au foyer domestique ? Les nécessités de son aventureuse existence le tiennent presque toujours éloigné de sa hutte ou de sa tente. Celle que la nature fit sa compagne ne songe pas d’ailleurs à se révolter contre le joug qui l’opprime. C’est sans murmure qu’elle subit une servitude dont aucune joie familiale ne tempère les rigueurs. Bête de somme avilie et résignée, la femme ne soupçonne même pas sa dégradation et ignore sa noblesse.
Une autre ère semble un moment s’ouvrir pour la femme dans la Grèce antique. Dans la femme, qu’est-ce que vénère donc la Grèce  ? Elle honore l’harmonie des lignes, la grâce des contours, leurs fronts radieux, les lèvres qui boivent et versent l’ambroisie ; mais l’âme la Grèce l’ignore. Pour l’Héllène la femme est une statue, un objet d’art ; ce n’est point la compagne, ce n’est point surtout la moitié de l’homme. Le mariage la relève-t-il ? Il l’abaisse. Pour le compatriote de Socrate, le mariage est tantôt un marché, tantôt un mal nécessaire. Jamais consultée, la jeune fille n’éprouve même pas la tentation de repousser le fiancé que sa famille lui choisit. Dans les temps homériques, le fiancé achète sa future. Plus tard, sous Périclès, les parents, au contraire, dotent leurs filles; et si cette dernière est répudiée, la dot retourne à la famille. Dans les deux cas que devient la dignité de l’union conjugale ? Un pacte pécuniaire qui la profane et la contamine.
Arrivons maintenant à Rome. La loi romaine dit du mariage qu’elle est l’union de l’homme et de la femme soumis à la vie commune et partageant ensemble tous les droits divins et humains. Pourtant au lieu de l’égalité promise, l’historien ne voit dans le mariage romain qu’inégalité et servitude. Inégalité des devoirs. La loi exige de la jeune fille la pudeur et de l’épouse la fidélité. L’homme lui ne connaît pas ses exigences. Le romain se marie pour obtenir des héritiers. Plaire et propager : c’est pour satisfaire à ces deux conditions que la femme à sa place au foyer. Qui plus est, au regard des droits juridiques, l’épouse est considérée dans la cellule familiale comme ayant les mêmes droits que les enfants. Par ailleurs, à Rome, le divorce sous toutes ses formes rompt à chaque instant le lien conjugal. Les légistes latins distinguent d’ailleurs trois sortes de divorces : le divorce des gens de bien, le divorce par lassitude et le divorce par calcul. Citons aussi le divorce par générosité, comme celui de Caton, qui, désireux de récompenser Hortensius, lui transféra sa femme à titre d’épouse. Voilà le rôle avili que le mariage romain fait jouer à la femme ; mais celle-ci subit-elle sans murmure cette dégradation de cette infamie ? Non ; la femme trouve sa vengeance dans la loi même. Saint Jérôme raconte qu’il a vu ensevelir une femme dont dix-sept maris avaient accepté la main. Cette égalité que les hommes n’ont pas voulue dans la vertu, les femmes la retrouvent dans le vice.
Soyons juste pour les Gaulois et les Germains, la condition des femmes avant l’établissement du christianisme est préférable au despotisme de l’ancienne législation romaine. Ils ont pour leurs femmes une vénération particulière ; ils écoutent volontiers leurs conseils ; enfin ils ne supportent pas que la plus petite injure faite à l’une d’entre elles reste sans réparation ou sans vengeance. Rien ne surprit plus les Romains que l’austère chasteté des femmes germaines. Chez les Germains, le mariage est soumis à des lois sévères, et la monogamie strictement observée. La femme n’apporte pas de dot ; mais l’homme en donne une à la femme. Ces cadeaux n’ont aucun rapport avec la toilette féminine. Race de guerriers, les Germains donnent des armes de guerres ou des ustensiles et des meubles domestiques. La femme de son côté offre à son mari une pièce d’armure, témoignage de la résolution avec laquelle la fiancée s’associe au sort incertain du guerrier. En effet, les femmes germaines enflamment souvent le courage de leurs maris pendant le combat, et décident plus d’une fois du sort de la bataille. Cette vie agitée compromet-elle la sévérité des mœurs ? Non. L’adultère est rare et la punition en est sévère, instantanée et livrée à l’arbitraire des maris. Aussi les femmes sont-elles fort respectées par les Germains. Chez les Cimbres, la femme est une personne, garantie contre le moindre outrage par des pénalités sévères ; elle vit, agit et parle pour elle-même. Elle hérite, elle possède, elle dispose de ses biens ; parfois même elle délibère, elle combat, elle gouverne comme les plus fiers et les plus puissants d’entre les hommes d’alors. Elle annonce la femme du Moyen-âge
III. LA FEMME AU MOYEN-AGE   
C’est pendant la période féodale que la femme conquiert décidément la place qui lui appartient dans la société chrétienne. « Il faut tenir compte à la femme, dit un poète du Moyen-âge, de ce que Marie a été femme. » Eh bien ! Là est l’explication des extraordinaires hommages que reçoit la femme féodale. La Vierge Mère associe, pour ainsi dire, tout son sexe à sa fortune.
Au Moyen-âge, la femme quelle que soit sa condition sociale reçoit une instruction religieuse, mais également scolaire. Ce qui est le plus frappant d’ailleurs en terme d’éducation en générale à l’époque médiéval, c’est que le seul traité d’éducation écrit très exactement entre 841 et 843 nous vienne d’une femme laïc et mère de famille prénommée Dhuoda. Les moniales, mais également des femmes laïcs, apprennent aux jeunes filles à lire et à compter.  Pour les plus douées, l’apprentissage des lettres à savoir le latin et le grec est possible et courant. Cécile, par exemple fille de Guillaume le Conquérant suit sur les bancs de la Trinité de Caen, les leçons de grammaire d’Arnoul Mauclerc, qui fut l’un des principaux orateurs de son temps. Que dire également de Christine de Pisan qui a quatorze ans connaît aussi bien le latin que les hommes d’Eglise. La poésie tient également une place prépondérante dans la formation des jeunes femmes. Mais l’éducation des femmes ne se limitent pas aux connaissances intellectuelles. L’éducation des femmes, peut comprendre également le maniement des armes. Raimbeau de Vaquerias, troubadour de la fin du XIIe siècle, surprit un jour Béatrix, sœur du Marquis de Montferrat, jouant avec une épée que son frère, au retour de la chasse, a laissé dans sa chambre. Quand elle se vit seule, Béatrix ôta sa longue robe, ceignit l’épée, la tira du fourreau, la jeta en l’air, la reprit, et espadonna de droite et de gauche. Et ce jeu se transforme parfois en nécessité ou en volonté propre. On peut citer l’écrivain arabe Ibn-Alatir « pendant le siège de Saint-Jean d’Acre, en 1189, il se trouva trois femmes qui avaient combattu à cheval, et qui furent reconnues après qu’on les eut dépouillées de leur armure ». On évoquera enfin pour terminer les exemples de ce registre, l’histoire des femmes de Beauvais qui participèrent en 1472 à la défense de la ville face au Duc de Bourgogne. Leur engagement fut si déterminant dans la bataille, que le Roi ordonna que chaque année le 10 juillet il y ait une procession solennelle dans laquelle les femmes auraient préséances sur les hommes.
On le voit l’éducation des femmes ne les cantonne pas dans des rôles préétablis, comme cela sera le cas par exemple au XIXe siècle.
A l’époque féodale, la majorité est de douze ans pour les filles, deux ans plus jeune que les garçons. Ce droit coutumier issu des traditions germaniques, permet à l’enfant d’acquérir très jeune une véritable autonomie, sans que, pour autant, la solidarité de la famille lui soit retirée. Mais cette autonomie n’est pas une figure de style. Elle se concrétise pour certaine par l’adoption de responsabilités qui aujourd’hui seraient considérées comme précoce. A titre d’exemple, on peut évoquer Pétronille de Chemillé, qui a 22 ans lorsqu’elle préside au destinée de l’abbaye de Fontevrault, Jeanne d’Arc qui a 17 ans lorsqu’elle délivre Orléans à la tête de son armée et Anne de Bretagne qui a 22 ans lorsqu’elle exerce pleinement le gouvernement sur son Duché.
L’époque médiévale de par ses origines germaniques du moins sur le plan social va permettre durant presque mille ans d’offrir aux femmes une place dans la société qu’elles ne retrouveront pas.
La place de la femme dans le mariage, est toute particulière. Vincent de Beauvais disait de la position de la femme par rapport à l’homme : « nec domina, nec ancilla, sed socia (ni maîtresse, ni servante, mais compagne) » . Socia ayant le sens qui s’est conservé dans le terme associé. Un fait illustre d’ailleurs bien cette situation, ce n’est qu’au XVIIe siècle, que la femme prendra normalement et obligatoirement le nom de son époux.
Sur le plan juridique, la femme mariée demeure propriétaire de ses biens propres ; le mari en a généralement l’administration mais il ne peut en disposer ; les biens de sa femme sont totalement inaliénables. En revanche, la femme mariée participe de droit à tout ce que le ménage peut acquérir et, en cas de décès de son époux, elle a la jouissance d’une partie des biens propres de celui-ci. La femme jusqu’à la fin du XV e détiendra ce qu’on appelle la capacité juridique.
Sur le plan politique, elles vont par exemple réellement exercer le pouvoir lors des régences. Et contrairement a ce que pourrait nous laisser croire une  fausse interprétation de la Loi Salique  ; dés le règne de Childéric Ier (561-584) l’Edit de Neustrie prévoit que les filles succèdent à défaut de fils et les sœurs à défaut de frères. D’ailleurs dans le bailliage de Troyes en Champagne entre 1152 et 1284 sur les 279 possesseurs de fiefs, on relève entre autre 104 seigneurs, 48 dames et 10 demoiselles. Dans toutes les régions de France, c’est par centaines, par milliers, qu’on relèverait, de même cette parité de fait existant entre hommes et femmes dans l’administration des domaines ; par exemple, à propos de femmes qui rendent ou reçoivent hommage étant entendu que la cérémonie d’hommage est celle par laquelle on jure fidélité à son seigneur. Ainsi on peut citer dans le Roussillon Isabeau de Harcourt recevant hommage de ses vassaux. L’exercice du pouvoir ne les empêche pas d’être pleinement femmes. Elles n’ont aucunement le souci d’imiter ou de copier un modèle masculin. Dans leur comportement, même lorsqu’elles agissent sur le terrain politique ou militaire, elles restent femmes. Citons cet exemple de Blanche de Castille arrivant au siège du château de Bellême en 1229 et constatant que l’armée est littéralement paralysée par le froid ; elle fait aussitôt tailler du bois et réchauffe ses gens qui retrouvent du même coup leur ardeur pour terminer le siège. Toutefois leur féminité ne les empêche pas d’administrer au pied levé ou par leurs fonctions propres des domaines très vastes.
Par ailleurs, les femmes exercent de nombreux métiers au sein de la cité, dont on ne se doute pas forcément, tant ils sont devenus par la suite synonyme de masculinité. Les documents d’époque nous permettent de découvrir des haubergières qui façonnent des armures où des maréchales qui ferrent des chevaux. En Angleterre, on observe à l’époque médiévale que le brassage de la bière a été presque entièrement aux mains des femmes. Enfin signalons les barbières qui en plus de s’occuper de la barbe exerçaient également la fonction de médecins. A ce propos on sait que Saint Louis et Marguerite de Provence emmènent à leur usage, pour la croisade, une doctoresse nommée Hersent.
Dans le domaine littéraire, la femme devient le centre de l’inspiration des auteurs de l’époque médiéval. Appelé lyrique courtoise, c’est à la fin du VIe siècle que ce manifeste cette première expression avec Fortunat futur évêque Poitiers qui adresse à Radegonde, fondatrice du monastère de Sainte-Croix à Poitiers, ainsi qu’à l’abbesse Agnès, des vers latins où s’exprime déjà les sentiments qui animeront la poésie des troubadours et des trouvères du XII e siècle. Cette inspiration provient essentiellement d’un regard nouveau posé sur la femme à qui l’on s’adresse désormais avec une tendresse pleine de respect.
Plus tard dans le courant du Moyen-âge, la femme deviendra « le seigneur » du poète, la suzeraine ; la fidélité, elle l’exigera ; elle suscitera un amour qui commande aussi le respect. A la Dame , le poète vouera une sorte de culte fervent, constant ; elle est sur lui toute-puissante ; l’amour qui vit entre eux demeure comme un haut secret qu’il ne saurait trahir.
Cette période de notre histoire voit les femmes occuper naturellement, pratiquement toutes les fonctions qu’une société possède. Sans être un homme bis, dans une société reconnaissant l’inégalité naturelle(le fort protège le faible) et ayant toute son organisation basé sur des rapports hiérarchiques la femme trouve sa place avec une réelle harmonie. D’un côté elle n’est pas recluse et contenue uniquement dans les tâches domestiques, et d’un autre les fonctions de direction où à responsabilité qu’elle exerce ne se font pas au détriment de son rôle d’épouse et de mère. Une anecdote illustre d’ailleurs bien ce fait. Blanche de Castille n’avait pas voulu confier à une nourrice mercenaire le soin d’allaiter son fils. Mais un jour qu’elle souffrait d’un violent accès de fièvre, une dame de sa suite crut devoir présenter le sein au petit prince. La reine ne s’en aperçut pas sur-le-champ, mais quand elle fut remise de son accès, Blanche vit avec étonnement que l’enfant refusait de prendre le sein. Soupçonnant ce qui s’était passé, la reine mis le doigt dans la bouche de l’enfant et lui fait rejeter le lait qu’il a pris. « Hé quoi ! Dit-elle avec vivacité en s’apercevant de la surprise de son entourage, prétendez-vous que je souffre qu’on m’ôte la qualité de mère dont Dieu m’a investie ». 
La femme ne prend pas de revanche sur l’homme et l’homme n’est pas dépossédé de sa virilité. Autre anecdote symbolique lors du procès de Jeanne d’Arc, on ne lui reproche pas de porter les armes, mais de s’habiller comme un homme. D’ailleurs l’Egalité homme-femme à cette époque n’avait aucun sens et la complémentarité de l’homme et de la femme semblait être la règle.
Malheureusement, le retour du droit romain durant le XVI e siècle va considérablement bouleverser cette harmonie sociale au détriment de la femme. En effet la majorité de la femme va tout d’abord passer de 14 ans à 25 ans, puis l’autorisation parentale pour le mariage redevient la règle alors que l’Eglise l’avait écarté dés le VIII e siècle. En 1593 un arrêté du parlement écarte explicitement les femmes de toute fonction dans l’Etat. Au temps classique, elle est reléguée au second plan ; elle n’exerce plus d’influence que clandestinement. Elle est même tenue, et cela surtout dans les pays latins, pour incapable de régner, de succéder  et finalement, selon le Code Napoléon d’exercer un droit quelconque sur ces biens personnels ; et d’aboutir finalement au XIX e siècle à la disparition totale du rôle de la femme, en France surtout. A quelle autre époque que celui du Moyen-âge Sainte Jeanne d’Arc aurait pu obtenir l’audience et susciter la confiance qu’en fin de compte elle obtint ; si ce n’est par le biais de la foi qui était vécue et par la place que pouvait occuper une femme à cette époque.

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