mercredi 1 août 2012

Turenne (1611-1675), un grand homme de guerre

Également pleuré des soldats et du peuple. Turenne a laissé dans l'histoire la réputation d'un grand homme de guerre, d'un novateur en stratégie, d'un remarquable manœuvrier, combinant la rapidité du mouvement avec l'utilisation de la fortification. Ce fut, de plus, un extraordinaire entraîneur d'hommes, se faisant aimer de tous par sa bonté, sa simplicité et son souci constant de ménager le sang de ses hommes. Napoléon disait de lui : "De tous les généraux qui m'ont précédé et, peut-être, qui me suivront, le plus grand est Turenne."
Henri de la Tour d'Auvergne, vicomte de Turenne, naît à Sedan le 11 septembre 1611 ; il est le second fils du duc de Bouillon et d'Élisabeth de Nassau, fille de Guillaume le Taciturne. Élevé dans la religion protestante, le jeune garçon reçoit une excellente éducation et montre, dès l'enfance, une disposition marquée pour le métier des armes. Mais sa constitution un peu faible fait craindre qu'il ne puisse supporter les durs travaux de la guerre ; aussi endurcit-il son corps aux fatigues et aux intempéries. Un soir d'hiver, on le retrouve, sur les remparts de Sedan, endormi sur l'affût d'un canon.
A 15 ans, sa mère l'envoie apprendre son métier en Hollande, sous les ordres de ses oncles, Maurice et Frédéric-Henri de Nassau, deux excellents généraux. Deux ans après, il entre au service de la France, où le roi donne au jeune capitaine un régiment qu'il commande dans l'armée d'Italie puis en Lorraine; là, il se distingue particulièrement au siège de La Motte. Sa brillante conduite lui vaut, à 23 ans, le grade de maréchal de camp.
Physiquement, Turenne est de taille médiocre, de tournure un peu lourde, inélégant, sans grande distinction ; il a la tête forte, les traits assez réguliers, déparés par d'épais sourcils et un teint trop coloré. Mais ses yeux, grands et beaux, révèlent un caractère énergique et réfléchi, tempéré parfois par une grande douceur et une extrême bonté. A la cour, il se montre très franc, mais réservé dans ses propos et difficilement pénétrable à d'autres qu'à ses amis.
Devenu, peu après, lieutenant général, Turenne, qui a encore servi avec distinction en Roussillon et en Italie, reçoit, en 1644, le bâton de maréchal de France (à 32 ans) et, en même temps, le commandement de l'armée d'Allemagne, qui' manque de tout - habillement, équipement et chevaux. Il la remet en état, à ses frais, passe le Rhin, bat les Bavarois à Donaueschingen, mais est battu à son tour à Marienthal. Il prend sa revanche avec le duc d'Enghien (qui deviendra l'année suivante prince de Condé) à Nördlingen, en 1645, et force l'électeur de Bavière, Ferdinand III, a déposer les armes et à accepter des négociations. La victoire de Sommershausen, en 1648, amène les avant-postes français à Munich et sur l'Inn. La paix générale est signée à Münster et Osnabrück : c'est le traité de Westphalie, qui servira de base, pour un siècle, à l'organisation de l'Allemagne.
A l'intérieur de la France sévit la Fronde ; une véritable guerre civile règne à Paris qui s'est soulevé contre la régente Anne d'Autriche et son ministre Mazarin. Condé s'est rangé aux côtés des Frondeurs ; Turenne ne tarde pas à le rejoindre. Le voilà opposé aux fidèles de Louis XIV, mais sa défection n'est que de courte durée. Battu à Rethel, en 1650, trompé par les Espagnols, et comprenant que les chefs de la Fronde n'agissent guère que dans leur intérêt, Turenne fait la paix avec le roi, en 1651, et prend le commandement de l'armée. Les combats de Gien, d'Étampes, du faubourg Saint-Antoine terminent la Fronde ; le roi revient à Paris.
La guerre continue contre l'Espagne, au service de laquelle est passé Condé ; Turenne reprend Rethel, fait lever le siège d'Arras, prend Condé, Saint-Ghislain, La Capelle, Saint-Venant, Mardyck et, avec les Anglais de Cromwell, fait le siège de Dunkerque. Il remporte, en 1658, l'éclatante victoire des Dunes, qui ouvre les portes de Dunkerque et des autres places des Flandres. La paix des Pyrénées termine la guerre ; Turenne devient maréchal général des camps et armées du roi, et colonel général de la cavalerie.
Louis XIV gouverne maintenant lui-même. Le Tellier et son fils, Louvois, auxquels sont confiées les affaires militaires, ont bien souvent recours à Turenne dont les sages conseils sont écoutés et suivis. Sur le plan diplomatique également, de Lionne le consulte avec profit ; le maréchal a des amis ou des agents personnels un peu partout et correspond avec les personnages importants de l'Europe entière. Son souci d'une exacte information, sa précision, sa prudence, sa discrétion, la continuité de ses vues en font un conseiller précieux que le roi utilise toujours avec fruit.
La guerre recommence en 1667 ; le roi, qui se rend aux armées, se sert de Turenne pour faire son apprentissage militaire. Le maréchal s'empare de tant de places, en Flandre, que les Espagnols sont obligés de demander la paix l'année suivante. A cette époque, Turenne abjure le calvinisme, par conviction pure, « sans pouvoir être soupçonné d'aucun intérêt humain », écrira l'un de ses ennemis personnels. En 1672, le roi, résolu à porter à nouveau la guerre en Hollande, doit faire face à une large coalition ; Turenne prend 40 villes en 22 jours. L'année suivante, il poursuit l'électeur de Brandebourg jusqu'à Berlin, favorise la conquête de la Franche-Comté, puis passe le Rhin, écrase les coalisés à Sinzheim et les rejette sur le Main. En cinq jours, il a fait 35 lieues, traversé le Rhin, battu un ennemi qui avait sur lui la supériorité du nombre et une très grande avance.
En 1674, les coalisés repassent le Rhin en force, mais sont arrêtés et battus par Turenne à Ensheim. Au cours de l'hiver, dans des conditions extrêmement difficiles, le maréchal contourne les Vosges par Épinal, Remiremont et Belfort, pénètre en Alsace, écrase les coalisés à Türkheim et les rejette au-delà du Rhin. Louis XIV lui dit : «  Vous avez relevé un lys de ma couronne ».
La cour de Vienne lui oppose maintenant son meilleur général, Montecucculi. Turenne l'empêche de franchir le Rhin, l'accule au fleuve et va lui livrer bataille près de Sasbach lorsqu'il est frappé, au cours d'une reconnaissance, par un boulet qui l'étend raide mort. Les Français, démoralisés, se replient derrière le Rhin ; mais l'arrière-garde fonce sur l'ennemi, le bouscule, lui tue 2.000 hommes, prend 7 canons et de nombreux drapeaux et étendards.
Le désespoir de l'armée est immense. La nouvelle se répand à travers la France. Un ambassadeur étranger écrit : « Il n'y a personne à Paris qui ne voudrait donner ce qu'il possède pour faire revenir au monde un homme de tant de mérite ». Le roi fait ensevelir le corps de Turenne à Saint-Denis, dans la chapelle des Bourbons. Bonaparte le fera transporter aux Invalides.

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