dimanche 28 octobre 2012

La France des origines jusqu’à l’An Mil

La France d'avant la France a été appelée Gaule ou plutôt Gaules par les Romains, qui l'ont soumise pendant un demi-millénaire. Ensuite, elle a été connue comme le royaume des Francs, du nom de ses plus prestigieux envahisseurs.
À l'approche de l'An Mil, on l'appelait pour simplifier Francie, ou plutôt Francie occidentale pour la distinguer de la Francie orientale (l'actuelle Allemagne).
«La France est une personne»
«La France est une personne», a dit Jules Michelet, mais une personne qui cache bien sa date de naissance. La présence d'êtres humains sur le sol métropolitain est attestée depuis 1,8 million d'années.
De l'Âge de pierre, ou Paléolithique, nous conservons les très belles fresques rupestres de Lascaux (16000 ans avant JC) et de rares et remarquables statuettes en ivoire comme la Vénus de Brassempouy (ci-contre).
Vers 6000 avant JC, les habitants de notre pays commencent à se regrouper dans des villages permanents. Ils pratiquent l'agriculture autour de leurs habitations en complément de la cueillette et de la chasse. En matière d'outillage, la pierre polie se substitue à la pierre taillée. C'est le Néolithique. Les pratiques religieuses se développent comme l'attestent les alignements mégalithiques de Carnac, vers 4500 avant JC : il s'agit de pierres dressées («menhirs» en breton) dont la signification nous échappe encore aujourd'hui.
Quelques siècles plus tard se développent de nouvelles formes de civilisation dont le souvenir se conserve jusqu'à nous sous la forme de tumulus funéraires : il s'agit de galeries de pierres plates destinées à l'inhumation des défunts et recouvertes de terre. Beaucoup de ces tumulus apparaissent aujourd'hui dépourvus de terre, sous la forme de tables de pierre géantes («dolmens» en breton).
Nos ancêtres les Celtes
Vers 750 avant JC, des intrus en provenance du bassin danubien et d'Asie mineure s'installent dans les clairières : les Celtes. Bien plus tard, Jules César les baptisera Gaulois. C'est sous ce nom que nous les connaissons aujourd'hui.
Ces Celtes pratiquent les sacrifices humains et aiment la guerre, qu'ils pratiquent souvent nus ! Mais ils développent aussi une civilisation relativement avancée pour l'époque. Ils amènent avec eux la métallurgie du fer (civilisation de Hallstatt). Ils défrichent à grande échelle le pays, cultivent le blé et la vigne, exploitent des gisements d'or et d'argent... Par la vallée du Rhône et de la Saône, ils commercent aussi avec les Grecs comme le montrent les beaux objets découverts dans la tombe de Vix, en Côte d'Or.
Les Grecs sont eux-mêmes très présents sur le littoral méditerranéen, où ils implantent des colonies comme Marseille (vers 600 avant JC) et Nice. À la faveur des guerres puniques qui voient s'affronter deux orgueilleuses cités, Rome et Carthage, la première de celles-ci occupe le littoral méditerranéen de la Gaule qui devient une province romaine (d'où le nom actuel de Provence). Sa capitale Narbonne (Narbo Martius) est fondée en 118 avant JC.
Baptisée Narbonnaise, la province s'organise autour d'une importante route qui court des Alpes aux Pyrénées, la via Domitia (ou Domitienne). À Narbonne comme à Aquae Sextiae (Aix-en-Provence) et Tolosa (Toulouse), des garnisons maintiennent la paix, laquelle est gravement compromise par une brutale irruption de guerriers germaniques, les Cimbres et les Teutons. Ces derniers sont battus par Marius en 101 avant JC à Verceil, au pied des Alpes.
La conquête romaine
De 58 à 52 avant JC, Jules César, un général romain ambitieux, neveu par alliance de Marius, mène plusieurs campagnes en vue de soumettre l'ensemble du territoire entre le Rhin et les Pyrénées (la «Gaule chevelue»). À peine croit-il y avoir réussi qu'une révolte générale éclate, à l'instigation d'un jeune noble Gaulois : Vercingétorix. Ce dernier vainc les Romains à Gergovie, en Auvergne, mais il est peu après défait à Alésia, en Bourgogne.
La Gaule se soumet à Rome au prix d'un effroyable tribut : un million de Gaulois auraient été réduits en esclavage par les légions de César sans parler des destructions massives (villes et récoltes incendiées).
Le 9 octobre de l'an 43 avant JC, un légat romain fonde la ville de Lugdunum, aujourd'hui Lyon, au confluent du Rhône et de la Saône. En 27 avant JC, elle devient sur décision d'Auguste la capitale commune aux trois provinces de la Gaule chevelue : l'Aquitaine (au sud de la Garonne), la Celtique ou Lyonnaise (entre la Garonne et la Seine) et la Belgique (entre la Seine et le Rhin). Tibère aménage en 17 de notre ère deux provinces complémentaires sur le Rhin : la Germanie supérieure (autour de Cologne) et la Germanie inférieure (autour de Mayence).
La paix romaine
Les débuts de l'occupation romaine ne sont pas de tout repos. Aux tourments de la conquête s'ajoutent au 1er siècle de notre ère des révoltes locales, réprimées avec brutalité. Mais les notables gaulois finissent par se rallier massivement, grâce à l'empereur Claude qui leur ouvre en grand les portes du Sénat.
L'agriculture progresse grâce au génie inventif de la population (exploitation intensive des céréales, viticulture...), faisant des Gaules l'un des greniers de l'empire. Les villes se multiplient dans le pays, construites sur le modèle de Rome, avec temples, amphithéâtre, forum...
Au IIe siècle, le Siècle d'or des Antonins, une religion nouvelle se diffuse dans les villes : le christianisme. Certains empereurs y voient un obstacle à l'unité de l'empire. Sous le règne de Marc-Aurèle, à Lyon, plusieurs chrétiens sont livrés aux bêtes fauves. Parmi eux l'évêque Pothin et Blandine.
La Gaule face aux Barbares
Au IIIe siècle, les légions ont de plus en plus de mal à contenir la poussée des Germains (les Barbares). En 260, Postumus, un général gaulois, se proclame empereur et établit son autorité sur la Gaule. La sécession va perdurer une quinzaine d'années cependant que de violentes révoltes paysannes, les Bagaudes, secouent la Gaule.
Au siècle suivant, les incursions de Barbares se multiplient. À l'instigation de Saint Martin, soldat romain originaire du Danube devenu évêque de Tours, de plus en plus de Gallo-Romains cherchent un réconfort dans le christianisme... De nombreuses villes perpétuent aujourd'hui le nom du saint patron de la Gaule, inhumé en grande pompe à Tours le 11 novembre 397.
Le 31 décembre 406, un grand nombre de Germains profitent de ce que le Rhin est gelé pour le traverser. Les Vandales s'installent en Espagne, les Wisigoths en Aquitaine puis au-delà des Pyrénées, les Francs au nord de la Seine, les Burgondes le long du Rhône et de la Saône... Au même moment, des Celtes chassés de Grande-Bretagne par les invasions germaniques se replient à la pointe de l'Armorique qui prendra leur nom : Bretagne.
Dans les années qui suivent, en Gaule comme dans le reste de l'empire romain d'Occident, les rois barbares s'approprient ce qui reste de l'autorité étatique. Les seules personnes en mesure de leur résister sont les évêques catholiques qui détiennent l'autorité spirituelle.
La première dynastie : les Mérovingiens
Le 25 décembre 498 (ou 496), le roi des Francs, Clovis, renonce au paganisme et se fait baptiser à Reims avec 3000 guerriers dans la religion catholique.
Le royaume des Francs s'étend bientôt des Pyrénées à l'Allemagne occidentale. Mais, après la mort de Clovis, il est partagé entre ses quatre fils. Leurs descendants vont régner cahin-caha pendant trois siècles sous l'appellation de Mérovingiens (d'après Mérovée, un aïeul légendaire).
Au fil des partages successoraux et des guerres, le royaume des Francs se subdivise en plusieurs entités dont les principales sont la Neustrie (à l'ouest), l'Austrasie (à l'est) et l'Aquitaine (au sud-ouest). Il refait brièvement son unité sous le règne de Dagobert 1er, roi d'Austrasie en 622, assisté du «bon saint Éloi».
Dagobert est le premier roi inhumé à Saint-Denis, nécropole des rois de France. Ses successeurs, moins actifs, laissent leur majordome, ou «maire du palais», gouverner à leur place. Cela leur vaudra plus tard la réputation de «rois fainéants».
En 732, le maire du palais d'Austrasie, un certain Charles Martel (ainsi surnommé parce qu'il «frappe comme un marteau»), arrête une incursion arabe entre Poitiers et Tours. Les musulmans, qui avaient débarqué en Espagne vingt-et-un ans plus tôt, se replient au sud des Pyrénées.
La deuxième dynastie : les Carolingiens
Pépin le Bref, fils et successeur de Charles Martel, se voit reconnaître par les grands seigneurs la qualité de roi en lieu et place de l'héritier légitime des Mérovingiens. Il est confirmé dans son titre par le pape Étienne II. Celui-ci traverse les Alpes et sacre le roi et sa famille à Saint-Denis, en 754. C'est une première. Le rituel du sacre, autrement dit l'onction du front par de l'huile sainte, sera repris plus tard par les rois capétiens.
En 771, Pépin le Bref lègue son royaume à ses fils Carloman et Charles 1er, futur Charlemagne. Trois ans plus tard, Charles devient seul roi des Francs et va dès lors porter le royaume à sa plus grande extension. Jusqu'à sa mort, quarante ans plus tard, il ne se passera pas une année qu'il n'aille à la guerre, tantôt contre les musulmans d'Espagne, qu'il repousse au-delà de l'Ebre, tantôt contre les Saxons qu'il christianise par la contrainte...
Naissance d'une épopée
Le 15 août 778, au retour d'une campagne contre les musulmans, l'arrière-garde de Charlemagne est défaite au col de Roncevaux, dans les Pyrénées, par des montagnards basques... Bien plus tard, des troubadours tireront de cet événement la Chanson de Roland, l'un des plus grands poèmes épiques du Moyen Âge.
En 800, le roi Charles accompagne à Rome le pape Léon III. Ne pouvant plus compter sur la protection de l'empereur romain d'Orient, qui, à Byzance, est victime de séditions, le pape décide de s'en remettre aux Francs. Dans la basilique Saint-Pierre, il dépose un diadème sur la tête de Charles, le fait acclamer par la foule puis se prosterne à ses pieds. Le roi des Francs devient ainsi «Empereur des Romains». Il a l'illusion de relever l'empire romain d'Occident, disparu quatre siècles plus tôt.
En marge de la guerre, Charles, ou Charlemagne (du latin Carolus Magnus, Charles le Grand), mène de grandes réformes. Avec le moine anglais Alcuin, il réhabilite le latin comme langue de culture. Il restaure un semblant d'administration en s'appuyant sur les seigneurs locaux, embryon de la future noblesse féodale. Certains historiens voient dans son règne une première Renaissance après les ténèbres de l'époque mérovingienne.
L'empire carolingien après Charlemagne
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Cette carte montre l'empire carolingien à la mort de Charlemagne et les grands ensembles territoriaux qui vont naître de son partage entre les trois petits-fils du grand empereur : France, Allemagne...
Le fils de Charlemagne, Louis 1er le Pieux, hérite de l'empire mais ne peut empêcher ses propres fils de se disputer son héritage dès avant sa mort.
Le 14 février 842, Charles le Chauve et Louis le Germanique échangent à Strasbourg un serment d'assistance mutuelle en vue du partage de l'empire au détriment de leur frère Lothaire.
Louis le Germanique prononce son serment en langue romane (l'ancêtre du français), pour être compris des soldats de son associé. Charles le Chauve fait de même en langue tudesque (l'ancêtre de l'allemand). Les serments de Strasbourg sont ainsi les plus anciens témoignages que nous possédions du français et de l'allemand.
L'année suivante, en août 843, les trois frères concluent un compromis à Verdun par lequel ils se partagent enfin l'empire. Lothaire hérite du titre d'empereur et de la partie centrale, de l'Escaut à la plaine du Pô, la Lotharingie (l'actuelle Lorraine rappelle son nom). Charles le Chauve reçoit la Francie occidentale (la future France) et Louis le Germanique la Francie orientale (future Allemagne).
En moins d'un siècle, l'héritage de Charlemagne va se désintégrer sous les coups extérieurs. Des pirates venus en bateau de Scandinavie, les Normands ou Vikings, remontent les fleuves, semant partout la désolation. Installés dans des nids d'aigle sur la côte méditerranéenne, des Sarrasins musulmans lancent de leur côté des razzias jusque dans les Vosges. Enfin, à l'est, surgissent de redoutables nomades, les Hongrois ou Magyars. Ils effectuent des chevauchées jusqu'à Nîmes.
Naissance de la féodalité
Les souverains carolingiens délèguent la défense de l'empire à leurs compagnons de combat (en latin comites, dont nous avons fait comtes). Ils leur octroient des terres à titre héréditaire, à charge pour eux de les défendre.
Retranchés dans leurs châteaux (les premiers sont en bois), les seigneurs se font la guerre sans trêve et ne consentent à obéir qu'à celui dont ils tiennent leur terre (leur fief) : leur suzerain, dont ils se considèrent le vassal. Ainsi se met en place une noblesse terrienne héréditaire simplement fondée sur des liens d'allégeance d'homme à homme. C'est la «société féodale».
Les successeurs de Charles le Chauve ont le plus grand mal à contenir les Normands. Aussi, le 29 février 888, les barons de Francie occidentale élisent-ils roi l'un des leurs : Eudes, comte de Paris, qui s'est bien battu face aux Normands.
Mais lorsqu'il meurt, dix ans plus tard, un Carolingien, Charles III le Simple, fils de Louis le Bègue, reprend le titre royal. En 911, il donne à un chef normand, Rollon, l'embouchure de la Seine, la future Normandie. En échange, le pirate reçoit le baptême et jure fidélité au roi.
Timide renouveau
Dans cette atmosphère de fin du monde émergent les premiers signes d'un renouveau. Il va sans dire que les contemporains n'en ont aucune conscience. Le 11 septembre 910, en Bourgogne, en un lieu inculte appelé Cluny, une poignée de moines obtiennent du duc d'Aquitaine le droit d'installer une abbaye qui, chose nouvelle, n'aura de comptes à rendre qu'au pape. Très vite, l'ordre clunisien essaime dans tout l'Occident. Ses abbés acquièrent une autorité morale très forte et en usent pour adoucir les moeurs des guerriers et des rois.
Les derniers Carolingiens doivent s'accommoder de la tutelle des énergiques comtes de Paris, Robert 1er et Hugues le Grand, frère et neveu du roi Eudes. Finalement, le 1er juillet 987, les barons de Francie occidentale élisent à la dignité de roi des Francs le comte de Paris Hugues, qui n'est autre que le petit-neveu du roi Eudes. Il se fera connaître sous le nom d'Hugues 1er, dit Capet... Les héritiers directs de Charlemagne passent à la trappe. Une page se tourne.
André Larané. http://www.herodote.net

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