mercredi 17 octobre 2012

La République de Weimar : pourquoi l’effondrement ?

La brève histoire de la République de Weimar (1919 – 1933) reste une leçon de choses politiques. Comment un régime a-t-il pu courir à sa fin sans pouvoir se réformer ? Comment un régime a-t-il pu se rendre assez détestable pour que le peuple confie le pouvoir à des ennemis de la République ?
L’historien Horst Möller s’attache avant tout dans son livre sur Weimar qui vient d’être traduit, aux aspects politiques de l’histoire de cette République au destin tragique. Née d’une défaite, la République de Weimar a porté le poids d’une paix humiliante, le Diktat, conséquence d’une guerre voulue et menée par d’autres. Et en conséquence perdue par d’autres. Ce fut sa première tare, que ne lui pardonnera pas l’opposition nationaliste. Elle fut aussi confrontée à l’hostilité des communistes allemands et à leur isolement politique, hors de toute possible coalition de gauche, qui eut pu défendre la République.
Les raisons proprement politiques et institutionnelles de l’échec de Weimar tiennent en quelques points. Le premier est que la proportionnelle intégrale ne permettait pas que se dégage une majorité. D’où une combinaison d’équilibre instable autour du S.P.D. social-démocrate, ou du Zentrum catholique. Contrairement à certains idées reçues, le régime n’était pas réellement parlementaire, et encore moins primo-ministériel (le chancelier étant en Allemagne l’équivalent de notre Premier ministre). Le Président de la République avait beaucoup de pouvoirs, notamment celui de dissoudre le Reichstag, mais ces pouvoirs étaient plus des pouvoirs d’empêcher que des pouvoirs d’agir. En outre, la personnalité des présidents n’était sans doute pas celle qu’auraient nécessité les circonstances. Friedrich Ebert, président de 1918 à 1925, était un social-démocrate légaliste et assurément honnête homme mais réservé. Paul von Hindenburg, tiré de sa retraite en 1925 par une coalition hétéroclite de nationalistes, y compris le N.S.D.A.P., et de conservateurs, n’était qu’un garant par défaut de la République. C’était un nostalgique de la monarchie qui s’accommodera de la République sans capacité de la réformer pour la sauver. Il sera réélu en 1932. Ni l’un ni l’autre des présidents n’étaient des hommes aptes à trancher et à décider des grandes questions.
L’impossibilité de dégager des majorités aboutit les dernières années de Weimar, en pleine crise économique et extension du chômage de masse, a accentué le présidentialisme des pratiques constitutionnelles, d’où la création de « cabinets présidentiels ». Il s’agissait là de ministères dépendant d’un chancelier nommé par le président, sans appui par une majorité parlementaire.
Une des leçons de Weimar est qu’un régime présidentiel n’a de sens que si le président est une personnalité exceptionnelle qui réussit à être directement soutenu par une franche majorité du peuple. Une autre leçon est qu’un régime parlementaire nécessite pour fonctionner correctement une loi électorale permettant la gouvernabilité : prime majoritaire ou scrutin uninominal à un tour (système anglais) ou à deux tours (système français). Mais plus profondément il n’y a pas de régime qui puisse se maintenir sans répondre aux aspirations essentielles du peuple : du travail, de la dignité, l’indépendance du pays.
• Rappelons que l’un des grands juristes critiques de Weimar fut Carl Schmitt. Vient de paraître de lui un ouvrage fondamental Guerre discriminatoire et logique des grands espaces, Krisis, 2011, 288 p., 25 €.
• Horst Möller, La République de Weimar, 1919-1933, Tallandier, coll. « Texto », 368 p., 2011, 10 €.

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