mardi 6 novembre 2012

Louis XV (1710 - 1774) Roi «Bien-Aimé»... mais si peu !

Le 1er septembre 1715, à la mort de Louis XIV, après le règne le plus long de l'Histoire de France, voire du monde, la France est potentiellement riche et forte, mais épuisée par des guerres et des crises à répétition.
La couronne revient légitimement à l'arrière-petit-fils du Roi-Soleil, le duc d'Anjou (5 ans), qui prend le nom de Louis XV.
Fils du duc de Bourgogne et de Marie-Adélaïde de Savoie, orphelin très jeune de ses parents, l'enfant voit ses deux frères aînés emportés par une épidémie de variole.
De santé fragile et de nature timide et solitaire, lui-même est sagement protégé par sa gouvernante Madame de Ventadour qui le confine à Vincennes, loin des miasmes de la Cour. Son éducation sera ensuite prise en main par le duc de Villeroy puis le futur cardinal de Fleury.
La Régence ramène l'aristocratie au pouvoir
Le défunt roi avait rédigé dans ses dernières semaines, en juillet 1714, un testament par lequel il instituait un Conseil de régence présidé par le duc Philippe d'Orléans (41 ans), premier prince du sang. Mais comme il se méfiait de ce débauché qui avait des vues sur le trône, il avait aussi prévu de confier l'éducation du futur roi au duc du Maine, le fils qu'il avait eu de Mme de Montespan !
Dès le lendemain du décès de Louis XIV, Philippe d’Orléans fait casser le testament par le Parlement de Paris. Sage mesure mais en contrepartie de laquelle le duc a la maladresse de rendre aux parlementaires le droit de remontrance dont ils avaient été privés par Louis XIV et dont ils n'allaient pas tarder à abuser pour écorner le pouvoir royal jusqu'à la Révolution ! .
Sous la Régence, nom donné au gouvernement du duc d'Orléans (1715-1723), sous la minorité de Louis XV, les mœurs se dérident et la haute noblesse prend sa revanche. Elle remplace les bourgeois au gouvernement et impose que lui soient réservées les hautes charges de l’armée et de l’Église. Pour restaurer les finances du royaume, le Régent fait appel à un banquier écossais quelque peu fantasque, John Law, qui émet à partir du 2 mai 1716 des billets acceptés par les caisses royales.
Ce premier papier monnaie est gagé sur la mise en valeur de la Louisiane. C’est ainsi qu’est fondée la Nouvelle-Orléans à l’embouchure du Mississippi, ainsi baptisée en l'honneur du Régent. Mais en 1720, on s'aperçoit que trop de billets ont été émis et le système Law s'effondre. Il aura néanmoins eu le mérite de redresser les finances publiques !
L’Espagne et la France entrent brièvement en guerre sous le prétexte d’un faux-attentat contre le Régent. En vérité, celui-ci en veut au roi d’Espagne, petit-fils de Louis XIV, de prétendre au trône en cas de mort prématurée du jeune roi Louis XV. Vaincu, Philippe V renonce définitivement à ses droits sur la succession de Louis XV.
Après la mort du Régent, en 1723, le duc de Bourbon, Premier ministre, veut marier le roi au plus vite et si possible à une princesse pubère. Peu importe son rang ! C’est ainsi que Louis XV (15 ans) épouse Marie Leszczynska (22 ans), fille d’un roi détrôné de Pologne. L’union sera au demeurant heureuse, au moins pendant une dizaine d’années, et surtout féconde (dix enfants).
Pacifique cardinal
En 1726, Louis XV congédie le duc de Bourbon et le remplace par son précepteur, le sage cardinal André-Hercule de Fleury. À 73 ans, c’est le plus vieux Premier ministre qu’ait eu la France. Il restera à son poste jusqu’à sa mort, en 1743, à 90 ans !
Pacifique, il se contente en 1733 d’une modeste intervention dans la guerre de la Succession de Pologne en faveur du père de la reine. Celui-ci, battu, échange le royaume de Pologne contre le duché de Lorraine, lequel reviendra à la France à sa mort (1766). En attendant, le duc Stanislas se consacre à l’embellissement de Lunéville et Nancy, ses villes de résidence.
Si pacifique qu’il soit, le cardinal de Fleury ne peut éviter la désastreuse guerre de la Succession d’Autriche, consécutive à la mort de Charles IV de Habsbourg et à l’accession au trône de sa fille Marie-Thérèse.
La guerre de la Succession d'Autriche (1740-1748)
La France noue une coalition contre l’Autriche le 28 mai 1741. La Prusse de Frédéric II s’y associe le temps d’annexer la Silésie.
Louis XV se rend en personne à la guerre comme autrefois Louis XIV mais il tombe malade à Metz en 1744. Le peuple prie pour son rétablissement et lui donne le surnom de «Bien-Aimé». Mais sa popularité ne résistera pas à la fin de la guerre…
Le 11 mai 1745, à Fontenoy, Maurice de Saxe bat les Anglo-Hollandais. Cette victoire mémorable («Messieurs les Anglais, tirez les premiers» !) est gâchée par le traité de paix d’Aix-la-Chapelle, le 18 octobre 1748, à l’occasion duquel les plénipotentiaires français renoncent à toute annexion. «Sa Majesté très-chrétienne a le souci de faire la paix non en marchand mais en roi», disent-ils à leurs homologues ébahis. Le seul vainqueur est Frédéric II qui se voit confirmer l’annexion de la Silésie. D’où l’expression populaire : «travailler pour le roi de Prusse» !
L’autorité monarchique n’est plus ce qu’elle était !... Louis XV qui, depuis la mort du cardinal de Fleury, dirige en personne son Conseil, tombe sous l’emprise de ses maîtresses dont la plus notable est la marquise de Pompadour, qui occupe ses pensées de 1744 à sa mort, en 1764, à 42 ans. Les privilégiés, soutenus par les parlementaires, font échouer en 1749 la courageuse réforme fiscale du «vingtième» qui prévoyait d’imposer tous les revenus.
Contestation intellectuelle
Dans les salons parisiens où l’on cultive l’art de la conversation, on murmure contre le pouvoir. Un auteur à succès, Voltaire, qui a vécu en Angleterre, exalte les vertus de la jeune démocratie anglaise dans ses Lettres anglaises (1734). De grands esprits remettent en cause l’absolutisme au nom de la raison. Le plus célèbre est Montesquieu, auteur de L'Esprit des Lois (1748).
Le 1er juillet 1751, Diderot et d’Alembert publient le premier tome de L’Encyclopédie avec la collaboration de tous les savants de leur temps et sous la protection de la marquise de Pompadour. Ils glissent dans ce gigantesque ouvrage des critiques virulentes contre l’Église, bouc émissaire de toutes les injustices. Ces critiques sont relancées par l’exécution de Calas, un bourgeois protestant de Toulouse faussement accusé en 1762 d’avoir tué son fils pour l’empêcher de se convertir.
«Renversement des alliances» et guerre de Sept Ans
Aux Indes, Dupleix, un gouverneur aux idées novatrices veut étendre l’influence de la France en s’alliant avec les princes locaux. Son ambition est incomprise de la Cour et il est destitué de sa charge.
Le 1er mai 1756, coup de tonnerre à Versailles. L'Autriche et la France enterrent une rivalité qui remontait à Charles-Quint et François 1er. Les deux États signent un traité pour contrecarrer la montée en puissance de la Prusse et les visées de l'Angleterre.
Ce «renversement des alliances», orchestré par la Pompadour et son protégé Choiseul, va déboucher sur une nouvelle guerre, dite guerre de Sept Ans (1756-1763). Se déroulant en Europe mais aussi en Amérique, aux Indes et sur les mers, en impliquant toutes les grandes puissances européennes, elle sera a posteriori considérée par les historiens comme la première guerre mondiale !
La guerre commence très mal pour les Français. Soubise est défait par Frédéric II à Rossbach malgré l’écrasante supériorité numérique de son armée. Le marquis de Montcalm meurt en tentant d’empêcher les Anglais de prendre Québec. Lally-Tollendal capitule à Pondichéry, aux Indes…
Par le traité de Paris du 10 février 1763, la France cède à l’Angleterre la plus grande partie de son empire colonial, en particulier la Nouvelle-France (le Québec) et les Indes. Mais elle conserve Saint-Domingue (aujourd’hui Haïti). C'est la seule colonie à laquelle tiennent les bourgeois de l'époque, y compris les «philosophes», en raison des riches plantations de sucre où travaillent les esclaves, le sucre jouant alors le rôle actuel du pétrole dans nos économies.
Les privilégiés contre la monarchie
Le duc de Choiseul, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, prépare la revanche en reconstituant la flotte et l’armée. Pour se concilier les parlementaires et les «philosophes», il expulse les Jésuites en 1764. Il achète aussi la Corse à la République de Gênes, en 1768. Pour couronner le tout, Marie-Antoinette, fille de l'impératrice Marie-Thérèse, épouse Louis, petit-fils et héritier de Louis XV, futur Louis XVI.
En décembre 1770, Choiseul est renvoyé à l'instigation de la nouvelle favorite royale, la comtesse du Barry, et remplacé par le duc d'Aiguillon qui, avec le chancelier Maupeou, va tenter des réforme audacieuses. En 1771, dans un ultime sursaut d’autorité, Louis XV fait arrêter et exiler les magistrats du Parlement de Paris. Quelques semaines après, le roi réforme le système judiciaire en abolissant la vénalité des charges. Ces dernières réformes de Louis XV auraient pu redonner de l’air à la monarchie. Elles n'auront hélas pas de suite.
Lorsque meurt le vieux roi, dans l’opprobre générale, le 10 mai 1774, son successeur Louis XVI n'aura d'autre hâte que de rappeler les parlementaires. C'est la première d'une longue série d'erreurs qui mèneront Louis XVI à la guillotine et feront perdre à la France son premier rang parmi les grandes puissances du monde.

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