dimanche 11 août 2013

Chronique littéraire : Christian Malbosse, Le soldat traqué

Christian Malbosse, Le soldat traqué, Editions de la pensée moderne, 1971.
le soldat traqué.JPGLa majeure partie des récits de guerre des anciens engagés de la division Charlemagne se concentre majoritairement sur leur expérience au feu et sur les combats qu’ils ont menés. Ce n’est pas le cas pour le présent ouvrage qui traite pour sa part du parcours d’un soldat français dans les mois qui suivirent la défaite de l’Axe en mai 1945.
Christian s’est engagé très jeune dans la LVF devenue en 1944 la division de Waffen SS Charlemagne. En mai 1945, la guerre est terminée et il tente de rejoindre le Danemark, en vain. Après des mois de combat furieux face aux Russes commence pour lui une longue période d’errance dans l’Allemagne occupée par les alliés. Christian pensait au départ gagner clandestinement la France pour ensuite se réfugier en Espagne mais va vite déchanter devant la difficulté de la tâche et les nouvelles qui lui parviennent du pays sur la manière dont on traite les « collabos »... Lui, qui est seul dans un pays en ruines, lui qui fait partie d’une armée que ceux qui ont réécrit l’histoire ont qualifié de criminelle, lui qui est marqué, comme tous les Waffen SS, du tatouage de son groupe sanguin sous l’aisselle… tatouage si gênant et si recherché lors des contrôles qu’il en arrivera à se mutiler lui-même au rasoir et au feu pour en effacer la trace… 
Ce soldat, traqué, partout, par un ennemi redoutable va, pendant des mois, survivre dans des conditions extrêmes. Alternant les périodes de captivité (auxquelles il arrive souvent à se soustraire avec brio), l’errance et les séjours dans la forêt, Christian vit comme un paria. Très débrouillard, il se construit un refuge dans la forêt, trouve un vieux fusil qu’avec persévérance il répare, chasse sangliers ou chevreuils et construit même un barrage qui lui permet de disposer d’une « piscine » pour se laver… Ses talents militaires le font même devenir démineur pour des paysans et il arrive à subsister un temps en vendant de la poudre extraite d’obus trouvés ça et là. Il faut dire que l’Allemagne manque de tout et que les campagnes sont des lieux où de nombreuses personnes de la ville, les « hamsters », viennent s’approvisionner…
Cette vie à la dure est heureusement enjolivée par la bonté et l’hospitalité du peuple allemand envers notre jeune soldat. De nombreuses familles l’hébergent temporairement, deviennent ses amis, l’aident de toutes les manières possibles et lui permettent de retrouver, quelques nuits ici, quelques nuits là, une sociabilité d’autant plus touchante qu’elle se veut gratuite. Combien de fois est-il hébergé par de pauvres paysans, par des gens n’ayant pratiquement rien et qui l’accueillent comme un fils parmi eux ? C’est le même peuple allemand que la propagande nous présente comme haïssant les Français et habité par le criminel gène nazi ? Certes, le fait qu’il ait combattu aux côtés des Allemands lui apporte un capital de sympathie certain de la part d’une bonne partie de la population mais tout au long de ces longs mois, des rencontres et situations qu’il connaît, on peut sans aucun doute démontrer à quel point les Allemands étaient bien intentionnés envers les Français ; d’ailleurs, certains compatriotes du STO, ayant plutôt bien vécu la guerre en Allemagne, ne voulaient même plus revenir en France…
Tentant finalement de rejoindre la France via la Belgique, Christian sera emprisonné dans ce dernier pays pour y être rentré clandestinement. Ces mois de détention constituent la seconde partie du livre –non moins passionnante que la première-. En prison, il rencontre aussi bien d’anciens Waffen SS que différentes crapules dont il brosse un portrait haut en couleurs. Pris en amitié par son avocat, il réussira à sortir puis, après quelques péripéties, à rejoindre clandestinement la France puis l’Espagne, son but depuis 1945… Il aura mis 3 ans pour cela, 3 ans qui le changèrent totalement :
« Quand il partit pour la guerre, Christian était encore adolescent ; lorsqu’il revint, c’était un homme. Des mois de combat, des années d’errance et de solitude. Tout accepter pour que survivent la Chrétienté et son pays, faire par avance le sacrifice de sa vie. Endurer le froid, la faim, la soif, souffrir dans son âme et sa chair – tels furent sa croyance et son lot. » peut-on lire dans l’épilogue qui clôture en beauté ce superbe et fort touchant récit d’aventure mais aussi d’histoire qui demeure, pour moi, l’un des plus beaux témoignages sur cette époque.
NB : A noter qu’il existe de cet ouvrage une très belle édition de 1998 chez Gergovie comprenant des planches dessinées par Guy Sajer.

Aucun commentaire: