mardi 17 septembre 2013

La force tranquille du vicomte de Bonald en quelques phrases

Le vicomte de Bonald est certainement plus que Maurras le fondateur de la révolution conservatrice en France, le théoricien de la restauration intelligente. Point compromis par les excès verbaux du journaliste, il n’a pas non plus le fondamentalisme de Joseph de Maistre, beaucoup plus populaire (sans doute pour cette raison) ; il lui a manqué sans doute un vulgarisateur reconnu pour déplier les recoins de sa vaste et encyclopédique pensée, et en dérouler les fils de la subtile simplicité. m’a permis de lire ou de relire les dix-sept volumes de ses merveilleuses oeuvres complètes. Je me contente de donner à mes lecteurs un avant-goût de son style et de son esprit car ce théoricien présumé obscur et peu frondeur est un régal pour les sens et la sensibilité. J’en laisse juges mes lecteurs en les invitant à partager les « comptes de fée » de ce grand esprit toujours ignoré et jamais oublié.
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Voyez cette première phrase qui résume en deux lignes de concision efficiente toute l’entropie de ce monde dit moderne :
« En France, on a substitué moralité à morale, en Allemagne, religiosité à religion; partout, honnêteté à vertu. C’est à peu près la même chose que le crédit substitué à la propriété. »
« ... Ceci nous ramène à la constitution de l’Angleterre, où il n’y a pas de corps de noblesse destinée à servir le pouvoir, mais un patriciat destiné à l’exercer. »
« Que s’est-il donc passé dans la société, qu’on ne puisse plus faire aller qu’à force de bras une machine démontée qui allait autrefois toute seule, sans bruit et sans effort ? »
« Ils deviennent crédules en cessant d’être croyants, comme ils deviennent esclaves dès qu’ils cessent d’être sujets. »
« Il y a des hommes qui, par leurs sentiments, appartiennent au temps passé, et par leurs pensées à l’avenir. Ceux-là trouvent difficilement leur place dans le présent. »
« J’aime, dans un Etat, une constitution qui se soutienne toute seule, et qu’il ne faille pas toujours défendre et toujours conserver. »
« La société finit, elle n’a plus d’avenir à attendre, parce qu’elle n’a plus de passé à rappeler, et que l’avenir ne doit être que la combinaison du passé et du présent. »
« Rome : quand la démocratie eut pris le dessus, cette société chercha un chef, comme elles le cherchent toutes, et ne rencontra que des tyrans. Ce peuple, admirable dans ses premiers temps, fait pitié sous ses tribuns, horreur sous ses triumvirs, et, soumis à ses empereurs, n’excite plus que mépris et dégoût. »
« Le tutoiement s’est retranché dans la famille ; et après avoir tutoyé tout le monde, on ne tutoie plus que ses père et mère. Cet usage met toute la maison à l’aise : il dispense les parents d’autorité et les enfants de respect. »
« L’Etat qui prend trop sur les hommes et les propriétés de la famille, est un dissipateur qui dévore ses capitaux. »
« Je crois qu’il ne faudrait pas aujourd’hui d’impôt foncier chez un peuple agricole, mais seulement des impôts indirects. L’Etat qui impose la terre, prend sur son capital ; quand il impose les consommations, il vit de son revenu. »
« Partout où il y a beaucoup de machines pour remplacer les hommes, il y aura beaucoup d’hommes qui ne seront que des machines. »
« La disposition à inventer des machines qui exécutent le plus de travail possible avec le moins de dépense d’intelligence de la part de l’ouvrier, s’est étendue aux choses morales. »
« Le juge lui-même, au criminel, est une machine qui ouvre un livre, et marque du doigt la même peine pour des crimes souvent fort inégaux ; et les bureaux ne sont aussi que des machines d’administration. »
« L’école de Bonaparte a pu former quelques administrateurs, mais elle ne pouvait pas faire des hommes d’Etat. »
« Bonaparte avait été obligé d’employer une force excessive dans son administration, parce qu’il n’y en avait aucune dans sa constitution. »
« Les sauvages ne détruiront que la récolte d’une année, les beaux esprits m’enlèvent la propriété même du fonds. Les uns insultent mon cadavre, les autres poursuivent ma mémoire ; je ne vois de progrès que dans les moyens de nuire, et le plus sauvage est celui qui fait le plus de mal. »
« Toute la science de la politique se réduit aujourd’hui à la statistique : c’est le triomphe et le chef-d’oeuvre du petit esprit. On sait au juste (et j’en ai vu faire la question officielle) combien dans un pays les poules font d’oeufs, et l’on connaît à fonds la matière imposable. Ce qu’on connaît le moins sont les hommes ; et ce qu’on a tout à fait perdu de vue, sont les principes qui fondent et maintiennent les sociétés. »
« L’art de l’administration a tué la science du gouvernement. »
« Les philosophes qui se sont élevés avec tant d’amertume contre ce qu’ils ont appelé des préjugés, auraient dû commencer par se défaire de la langue elle-même dans laquelle ils écrivaient ; car elle est le premier de nos préjugés, et il renferme tous les autres. »
« Ce n’est pas le peuple occupé qui réclame la souveraineté, c’est le peuple oisif qui veut faire le peuple occupé souverain malgré lui, pour gouverner sous son nom et vivre à ses dépens. »
« Dans le dernier âge, où les intérêts sont plus compliqués, les passions plus artificieuses et les esprits plus raffinés, le crime est un art et presque une profession, et la fonction de le découvrir et de le juger doit être une étude. »
« Toute passion qui n’est pas celle de l’argent des honneurs ou des plaisirs, s’appelle aujourd’hui fanatisme et exagération. »
« L’excès des impôts transporte chez les peuples chrétiens l’esclavage tel qu’il existait chez les anciens ; car l’esclavage n’est, à le bien prendre, que le travail fait tout entier au profit d’un autre. »
« Les petits talents comme les petites tailles se haussent pour paraître grands ; ils sont taquins et susceptibles, et craignent toujours de n’être pas aperçus. »

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