samedi 28 septembre 2013

Programmes d’Histoire : « Au roman national a succédé le fantasme trans-national »

Quelques extraits d’un article sur les nouveaux programmes d’histoire de Jean-Paul Brighelli, enseignant et essayiste.
L’insistance sur les colonies (en quatrième, en troisième, et à nouveau en première) tient davantage de l’intoxication face aux «nouveaux publics», comme on dit quand on s’interdit de dire «enfants issus de l’immigration», que de l’intérêt bien compris du récit historique.
La polémique enfle à nouveau. Les programmes d’histoire sont allégés en troisième et en terminale, et aussitôt les discours s’enflamment, les invectives volent. Et d’un aménagement somme toute mineur, divers polémistes tirent des conclusions radicales sur le projet global de décérébration de nos jeunes têtes blondes (ou brunes…). Les uns se font les propagandistes du tout-chronologique, les apologistes du «roman national», les autres s’arc-boutent sur une conception plus critique de l’enseignement de l’histoire. […]
Le fait même que la polémique soit si vive signifie d’abord que l’histoire est en France un sujet sensible et qu’elle est en danger. Tout comme le manifeste laïque de Vincent Peillon : son existence même témoigne d’une menace. […]
L’histoire telle qu’elle s’enseignait sous Lavisse, en pleine IIIe République triomphante, n’est plus celle de notre Ve République pourrissante.
Un exemple – mais bien sûr, je ne le prends pas au hasard : l’enseignement de la colonisation (et de la décolonisation). Certitudes du colonisateur qui apporte la civilisation aux barbares en 1880-1930 ; émergence de la parole des colonisés après les années 1960 (2) et culpabilisation rampante des anciens colonisés. […] Bien sûr, il était intéressant d’expliquer les mécanismes de l’esclavage au XVIIIe siècle (actuel programme de quatrième). Mais pourquoi passer sous silence l’immense responsabilité des Arabes dans l’esclavagisme, qu’il s’agisse de fournir des Noirs aux navires européens ou de mettre en esclavage pour eux-mêmes des millions d’êtres humains, y compris, pour le seul XVIIIe siècle, des centaines de milliers d’Européens ? […]
« L’histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré », disait avec pertinence Paul Valéry. Chacun, en fonction de ses intérêts idéologiques, s’annexe son enseignement, en se prétendant objectif. Au roman national a succédé le fantasme trans-national. Il est temps de bien former les enseignants et de leur faire confiance pour narrer une histoire qui nous a construits. […]

Aucun commentaire: