mardi 1 octobre 2013

Le réalisme de Bonald

« Il est des lois pour l’’ordre moral ou social, comme il est des lois pour l’’ordre physique, des lois dont les passions des hommes peuvent bien momentanément retarder la pleine exécution, mais auxquelles tôt ou tard la force invincible de la nature ramène nécessairement les sociétés. »
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« Des hommes, comme il en est tant, avec de l’’esprit sans connaissances, des vertus sans jugement, des intentions droites sans défiance, hors d’’état de prévoir le mal, parce qu’’ils sont incapables de le faire, posent un principe qui leur paraît une vérité démontrée, et ils gémissent ensuite des conséquences qu’’on en a tirées et du mal qu’’il a produit. Ce sont des enfants qui pressent la détente d’’une arme à feu et sont tout effrayés de voir partir le coup. L’’enfant ne savait pas que l’’arme était chargée de passions qui n’’attendent qu’’une étincelle pour faire explosion : et j’’ose dire qu’’il n’’y avait pas un principe politique posé en 1789, dont une dialectique rigoureuse ne fît sortir toute la Révolution »
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« La société, je le répète, est donc la grande institutrice de tous les hommes, et même la seule institutrice du plus grand nombre. Et de quoi sert, en effet, d’’entretenir pendant dix ans un enfant de devoirs et de vertus, lorsqu’’il ne doit rien trouver dans la société qui n’’affaiblisse l’’effet de ces premières leçons, et que, passant du monde idéal de l’’éducation dans le monde réel de la vie, il y rencontrera d’’autres instituteurs, d’’autres leçons, d’’autres exemples, d’’autres doctrines, d’’autres vices, d’’autres vertus ?... Non : l’’homme ne peut pas lutter contre la société. Si quelques naturels plus heureux et plus forts résistent à cette influence toute-puissante, un peu plus tôt, un peu plus tard, tous succombent ; une nouvelle société forme de nouveaux hommes et tout est fini. »
Louis de BONALD
Clair et dense, un livre de Léon de Montesquiou donne une excellente idée de la pensée de Bonald en rassemblant des citations commentées autour de quelques thèmes. Le premier chapitre, Le réalisme de Bonald (1911), donne son titre au volume.
Montesquiou, en effet, insiste sur ce point parce que Bonald est méconnu ou mal compris. On veut faire de lui un métaphysicien du droit divin, on insiste sur sa théorie du langage qui est un de ses points faibles et que notre étude ignore volontairement.. On oublie, ou l’’on feint d’’oublier l’’aspect réaliste de sa philosophie politique : « L’’on s’’apercevra sans doute que si je cite la religion chrétienne à l’’appui de mes raisonnements, c’’est pour en faire voir la conformité à la raison la plus éclairée et nullement pour y chercher des motifs capables de subjuguer la raison ».
Notre première citation montre une convergence de sa pensée et de celle d’’Auguste Comte. Charles Maurras se trouve en bonne compagnie. « La nature indique à la société le vice d’’une loi défectueuse ou incomplète » et les coutumes acquièrent force de lois. Montesquiou va donc étudier avec Bonald les principes politiques fondamentaux, reconnus par la raison et confirmés par l’’expérience des siècles.
Le deuxième chapitre traite de l’’individualisme ; nous en avons extrait la deuxième des citations de Bonald placées en tête de cette étude et qui caractérise parfaitement l’esprit libéral.
De l’’obéissance aux lois
Le troisième chapitre parle de la liberté. Montesquiou résume la pensée de Bonald en la rapprochant encore de celle de Comte : « Il y a des lois. Si nous n’’y obéissons pas, nous nous détruisons ; et ce n’’est point être libre. Si nous y obéissons, mais par contrainte ou par crainte, ce n’’est pas non plus la liberté. La liberté ne peut donc résider que dans l’’obéissance aux lois par intelligence et amour. »
Puis l’’auteur fait la synthèse des idées de Bonald sur la famille dont Comte disait qu’’elle était une des meilleures parties de son œœuvre. Vient ensuite l’’étude de l’’autorité qui, que ce soit celle du père de famille ou du souverain, peut être tempérée, limitée par des coutumes, mais jamais contrôlée car elle ne serait plus une autorité. Puis vient l’’étude de la noblesse « dont l'’essence est de servir aux lois et non de faire des lois ». Montesquiou rapproche les idées de Bonald des propos du comte de Lur-Saluces dans L’’Enquête sur la monarchie.
Vient enfin un chapitre sur l’’éducation. La troisième de nos citations de Bonald en est extraite. Voici le commentaire qu’’en donne Montesquiou : « Cela signifie politique d’’abord. »
De quelque horizon qu’’ils viennent, les esprits qui pensent clairement, sans préjugés, finissent par marcher dans la même direction qui mène au bien commun par l’’Ordre, nom social du Beau parce qu’’il est Harmonie.
Gérard Baudin L’’Action Française 2000 21 septembre au 4 octobre 2006
* Léon de Montesquiou : Le réalisme de Bonald. La Nouvelle Librairie nationale. Paris, 1911.

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