lundi 17 février 2014

Du nationalisme à la monarchie

Paul-Marie Coûteaux, guidé par son désir, que nous n’avons pas à lui reprocher, d’être compris de tous les Français sans risquer de les offusquer, déclare dans les colonnes voisines préférer le terme souverainisme (auquel il a donné ses lettres de noblesse politique) au terme nationalisme que pour notre part nous n’entendons renier pour rien au monde. Ce n’est évidemment pas lui chercher querelle que d’expliquer ici nos raisons.
D’abord, dès lors que l’on a posé la nation, sa défense et sa pérennité, au centre du débat politique, nous ne voyons pas pourquoi l’on devrait renoncer à utiliser le mot bâti sur elle. Une nuance, tout de même : nous ne sommes pas à l’Action française des fanatiques des mots en isme qui bien souvent désignent des systèmes idéologiques que nous abhorrons. Et de fait, Maurras a parfois déploré qu’il ait fallu au début du XXe siècle créer en France un état d’esprit “nationaliste” : c’est parce que l’état de la France était déplorable qu’il fallut envisager une réaction, mais une réaction de défense.
Ce point est capital car jamais le nationalisme maurrassien n’a été un nationalisme agressif à l’égard des autres nations. Nous n’avons donc pas à rougir d’employer le mot, peut-être imparfait comme tout langage humain, mais qui annonce nettement la couleur, au moment où défendre la France en tant que nation est le devoir politique primordial.
Poser d’abord l’idée de la France
M. Coûteaux tente d’élaborer une doctrine “souverainiste”. Sans doute va-t-il songer à s’inspirer, à défaut du mot, de la doctrine - car c’en est une, et parfaitement cohérente - du nationalisme. Celle-ci répond au voeu exprimé par Maurice Barrès à la fin du XIXe siècle : « Il n’y a pas de possibilité de restauration de la chose publique sans une doctrine. »
Que disait alors Maurras ? De poser « d’abord l’idée de la France ». Voilà une recommandation qui n’a pas pris une ride au moment où les Français sont plus que jamais menacés d’être transformés en simples consommateurs dans un magma européiste mercantile. Poser l’idée de la France c’est aujourd’hui une question de vie ou de mort.
S’agissait-il alors de faire de la nation un absolu? Lisons les “idées-mères” de l’Action française (15 novembre 1899) : « De toutes les formes sociales usitées dans le genre humain, la seule complète, la plus solide et la plus étendue, est évidemment la nationalité. Depuis que se trouve dissoute l’ancienne association connue au Moyen Âge sous le nom de Chrétienté, et qui continuait à quelques égards l’unité du monde romain, la nationalité reste la condition rigoureuse, absolue, de toute humanité. Les relations internationales qu’elles soient politiques, morales ou scientifiques, dépendent du maintien des nationalités.
Si les nations étaient supprimées les plus hautes et les plus précieuses communications économiques ou spirituelles de l’univers seraient également compromises et menacées : nous aurions à craindre un recul de la civilisation. Le nationalisme n’est donc pas seulement un fait de sentiment ; c’est une obligation rationnelle et mathématique. »
C’est clair : la nation est une réalité qui nous fait être ce que nous sommes. L’habitude séculaire, pour des hommes divers par leurs lointaines origines (parler de race française est une ânerie), de vivre ensemble selon les mêmes références naturelles et surnaturelles, de développer un art de vivre propre, voilà ce qui fonde notre manière d’être au monde et, du fait même, nous ouvre à l’universel.
Civilisation
Car Maurras ne s’est jamais crispé sur la nation, son regard s’élève à la notion de civilisation. Quand il dit que la nation est « le dernier cercle social sur lequel l’homme puisse s’affirmer », il précise aussitôt « au temporel », car il n’ignore point ce qui dépasse la nation dans l’ordre spirituel. Il a toujours amèrement regretté l’éclatement, sous le fouet de l’individualisme de Luther, de la Chrétienté de jadis où existait par-dessus les royaumes, par delà les conflits, au moins « un langage commun » servant « de point d’appui aux communications supérieures des hommes ».
Hélas, la réalité est là : pour contenir les appétits individualistes comme les volontés de puissance des États, donc assurer la paix civile et la paix entre les peuples, il faut abriter plus que jamais l’héritage matériel, moral et spirituel, derrière des frontières. Mais celles-ci ne sont point destinées à garantir un “splendide isolement” ; elles permettent des protections, des directions, des transmissions d’héritage, sans lesquelles l’homme lui-même se retrouverait appauvri, mais grâce auxquelles il est armé pour appréhender, l’enrichissant de son originalité, ce qu’il y a de mieux dans le bien commun de l’humanité.
Maurras dit en outre que « le soubassement des nations » s’impose « pour tout acte d’internationalisme réel » car il dépend de la capacité de chaque nation à rester elle-même, à être un réservoir de sagesse et d’expérience ancestrale, que le concert international soit fondé sur la justice. Mais il ajoutait que la croyance en l’égalité des nations est contraire à la justice, donc cause de guerres, comme le XIXe et le XXe siècles en ont connu, après que le principe révolutionnaire des nationalités eut fait naître des nationalismes débridés, sans racines historiques et désireux d’espace vital...
Il s’ensuit que, pour Maurras, un nationaliste « conçoit, traite, résout toutes les questions pendantes dans leur rapport avec l’intérêt national. Avec l’intérêt national et non avec sa paresse d’esprit, ou ses calculs privés ou ses intérêts personnels ».
Nationalisme intégral
C’est donc à une réelle formation morale et politique que les Français sont appelés afin de se débarrasser au plus tôt du système électoral qui empêche de considérer l’intérêt national. C’est pourquoi le nationalisme maurrassien se dit intégral. Il va jusqu’à la recherche des lois qui conviennent à la pérennité de la nation. Il se plie à l’image de la France, oeuvre de longue haleine de la lignée capétienne qui avec obstination a toujours imposé sa souveraineté contre les convoitises impériales et contre les féodalités frondeuses ou mercantiles, protégeant les humbles contre les débordements des grands. Donc le nationalisme français se fait inévitablement monarchique. Comment mieux faire sentir aux Français que la France est une réalité vivante que de la montrer incarnée dans une famille portant les souvenirs et les espérances de toutes les familles françaises ?
Les premiers dirigeants de l’Action française, de 1899 à 1908, ont mûrement réfléchi avant de se laisser convaincre par Maurras d’aboutir à la monarchie. Chez nous le royalisme n’est ni sentimental, ni mondain, ni routinier, il est l’aboutissement d’une profonde analyse des faits sociaux et politiques. Nous convions les souverainistes à s’y atteler.
Michel Fromentoux L’Action Française 2000 du 4 au 17 octobre 2007

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