vendredi 7 février 2014

Rien de nouveau sous le triste soleil de la démocratie

Deux moyens de succès partagent les soins d’un candidat : le zèle de ses amis et la bienveillance du peuple… Mais, dans la candidature, ce nom d’amis souffre une acception plus étendue que dans le reste de la vie : quiconque vous témoigne de la bonne volonté, de la considération, quiconque se montre fréquemment dans votre maison, doit être compté au nombre de vos amis… Quoiqu’il soit nécessaire de se présenter assuré et soutenu d’affections déjà formées et consolidées, on peut néanmoins, dans la candidature même, acquérir des amis nombreux et utiles. Au milieu de tant de désagréments, cette position vous offre du moins l’avantage de pouvoir, sans honte, vous unir d’amitié avec qui vous voulez ; ce que vous ne sauriez faire le reste de la vie… Recherchez d’abord ceux qui sont le plus près de vous, les sénateurs, les chevaliers, et les hommes actifs et accrédités dans les autres ordres de l’État. On trouve dans les tribus urbaines beaucoup d’hommes habiles, beaucoup d’affranchis adroits et influents au forum. Ceux d’entre eux que vous pourrez gagner, soit par vous-même, soit par des amis communs, travaillez de toutes vos forces à vous les concilier ; sollicitez-les, faites-les solliciter ; témoignez-leur qu’ils vous rendent le service le plus important.
Après avoir suffisamment parlé des moyens de vous assurer des amis, je dois traiter de l’autre partie de la candidature, qui a pour objet la faveur populaire. Elle se compose de la nomenclation (1) de la complaisance, de l’assiduité, de l’affabilité, de la renommée et de l’espoir public… Gagnez ensuite sur vous de paraître agir naturellement dans ce qui est le plus éloigné de votre naturel. Quelque puissant que soit notre caractère, il semble néanmoins, pendant quelques mois que dure la candidature, pouvoir se ployer à des ménagements politiques. Le plus grand risque enfin est d’offenser celui qu’a trompé votre promesse ; mais cet inconvénient est incertain, est éloigné, et ne s’étend qu’à peu de gens, tandis que vous promettez à tous. Par des refus, au contraire, vous indisposez certainement, et dès à présent, un plus grand nombre de personnes…
Reste la troisième idée : je suis dans Rome. Rome ! cette cité formée du concours des nations, où l’on rencontre tant d’embûches, tant de tromperies, tant de vices de tous genres ; où il faut supporter l’arrogance, l’obstination, la malveillance, l’orgueil, la haine et l’injustice de tant de personnes… Ainsi donc, et plus que jamais, suivez la route que vous avez choisie, excellez dans l’éloquence. À Rome, c’est l’éloquence qui attire et attache les hommes, et les détourne de vous repousser et de vous nuire.
Quintus Ciceron
Essai sur la candidature (extraits choisis dans la traduction des Auteurs latins supervisée par Charles Nisart, Firmin-Didot, 1868)
L’Action Française 2000 du 6 au 19 septembre 2007
(1) La nomenclation était l’attention d’interpeller chaque citoyen par son nom propre. Des esclaves, que leurs fonctions faisaient appeler nomenclateurs, aidaient sur ce point important la mémoire du candidat !

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