mardi 4 mars 2014

François 1er (1494 - 1547) Le dernier roi-chevalier

François, comte d'Angoulême, cousin et gendre du roi Louis XII, succède à celui-ci sur le trône de France le 1er janvier 1515, sous le nom de François 1er.
Le nouveau roi est grand (plus de deux mètres), affligé d'un visage ingrat, mais élégant et «portant beau». Cultivé et brave mais fantasque et moyennement intelligent, il engage le pays dans de folles aventures militaires contre son rival Charles Quint. Il conserve néanmoins à la France les acquis de ses prédécesseurs, la Picardie, la Bourgogne et le nord de la Navarre.
Peu affecté par ses déboires militaires, il développe une vie de cour brillante, inspirée des fastes de l'Italie. Sous son long règne de 32 ans s'épanouit la première Renaissance française. Mais il laisse à sa mort un royaume agité par de nombreux ferments de révolte (religion, impôts...). Marie Desclaux.
Triple bonheur
Jean d'Angoulême, grand-père du futur roi, est le fils cadet de Louis d'Orléans et Valentine Visconti. La famille de celle-ci sera plus tard évincée de la direction de Milan, en Lombardie, par la famille rivale des Sforza, ce qui offrira au roi de France un motif d'intervention en Italie.
Jean d'Angoulême est détenu en Angleterre ainsi que son frère, le poète Charles d'Orléans, pendant 32 ans, à la suite de la défaite d'Azincourt. Enfin libre, il s'entoure à Cognac de poètes et d'érudits. Son fils Charles de Valois-Orléans, comte d'Angoulême, participe à la «Guerre folle» en 1485 contre le roi Charles VIII et la régente Anne de Beaujeu. Il rentre dans le rang suite à son mariage avec Louise de Savoie, nièce de la régente. Il a 38 ans et son épouse 12 à peine.
Le couple a une fille, Marguerite, future reine de Navarre et grand-mère d'Henri IV, le 11 avril 1492, puis François, le 12 septembre 1494. Sa mère lui donne le jour sous un arbre de son parc, dans son château de Cognac. Son prénom lui vient de son parrain, François de La Rochefoucauld (dans cette seigneurie de l'Angoumois, l'aîné porte encore et toujours le même prénom).
L'inconstant Charles d'Angoulême est d'autant plus heureux que le même jour, ses deux maîtresses habituelles donnent également naissance à un enfant ! Mais son bonheur est de courte durée car il meurt un an plus tard.
Veuve à 19 ans, Louise prend le parti de rester chaste pour se consacrer à l'éducation de ses enfants et en particulier de son fils, qu'elle idolâtre. Le trio restera jusqu'à la fin passionnément uni.
En 1498, l'accession au trône de Louis XII, qui n'a pas d'enfant mâle, rapproche François du trône. Pour consolider ses chances, Louise négocie son mariage avec Claude de France, la fille aînée du roi et d'Anne de Bretagne malgré l'hostilité de cette dernière au mariage.
La mort d'Anne, le 9 janvier 1514, lève le dernier obstacle au mariage qui est célébré avec discrétion dès le 18 mai suivant. Boîteuse et sans grâce, Claude donnera sept enfants à son royal époux mais ne saura guère le séduire. Sa bonté lui vaudra toutefois l'affection du peuple et une prune, la reine-claude, perpétue son souvenir.
Louis XII, qui n'a pas renoncé à avoir un fils, se remarie peu après avec une sœur du roi d'Angleterre Henri VIII mais la mort le surprend le 1er janvier 1515, faisant ipso facto de François d'Angoulême le nouveau roi de France.
Il a 19 ans. Il est sacré à Reims le 25 janvier suivant, le jour de la Saint Paul, et fait son entrée solennelle à Paris le 15 février de la même année, arborant son emblème, la salamandre, et sa devise : Nutrisco et extinguo («Je nourris et j'éteins»).
Un début de règne triomphal
François 1er inaugure son règne en confiant l'amirauté de Guyenne et de Bretagne à La Trémoille, fidèle de Louis XII, et en octroyant le maréchalat aux sires de Lautrec et de La Palice. Comme connétable et chef des armées, il désigne le duc Charles III de Bourbon, cousin de sa mère et puissant féodal, au demeurant excellent capitaine.
Il confie par ailleurs la charge de chancelier (chef du gouvernement) à un proche de sa mère, Antoine Duprat, premier président du parlement de Paris. Devenu veuf, il entrera dans les ordres, deviendra archevêque de Sens et obtiendra la barrette de cardinal en 1527.
D'emblée, le jeune et fougueux souverain relance les guerres d'Italie en faisant valoir ses droits sur le Milanais, hérités de Valentine Visconti. Le duché de Milan est tombé entre les mains de Maximilien Sforza, fils du condottiere (chef de guerre) Ludovic le More. Le duc est allié au pape Léon X, à l'empereur Maximilien de Habsbourg et aux cantons suisses représentés par le cardinal de Sion, Mathias Schiner.
Le 13 septembre 1515, il écrase les Suisses dans la plaine du Pô, à Marignan. Cette bataille se solde par 16000 morts, ce qui fait d’elle la plus meurtrière depuis l’Antiquité. Le soir de la victoire, le jeune roi, amoureux des romans de chevalerie, se serait fait adouber selon l'ancienne coutume par le chevalier Bayard, l'un des héros de la journée.
Le retentissement de la bataille est immense dans l'opinion. Il conduit le pape Léon X à reconnaître en François 1er le légitime duc de Milan, de Parme et de Plaisance ! Les deux signataires concluent par ailleurs un concordat important à Bologne le 18 août 1516. Il régira les relations entre la France et le Saint-Siège jusqu'en 1790.
Par le traité de Noyon, le même mois, Charles d'Espagne, petit-fils de l'empereur Maximilien de Habsbourg, obtient de conserver le royaume de Naples en échange d'un tribut à la France. Le 29 novembre 1516, à Fribourg, les cantons suisses et la France concluent une «paix perpétuelle». Ces derniers se mettent même au service des rois de France jusqu'à la Révolution française. Enfin, par le traité de Cambrai, le 11 mars 1517, la France et les Habsbourg concluent une alliance défensive contre les Turcs.
Après d'aussi bons débuts, le roi entame, province par province, le traditionnel «tour de France» avec la Cour, au total 3 à 4.000 personnes. Chaque ville organise une entrée solennelle. Entre deux voyages, le roi réside dans l'un ou l'autre de ses châteaux du Val de Loire, avec une préférence pour Amboise. Le 28 février 1518, à Amboise justement, la reine Claude met au monde son premier enfant, un garçon prénommé François.
Un roi amoureux de la guerre
La situation se corse avec la mort de l'empereur allemand Maximilien 1er de Habsbourg, le 12 janvier 1519. Le choix de son successeur dépend des sept Grands Électeurs de la Diète de Francfort. Grisé par ses premiers succès, François 1er se porte candidat à l’empire d’Allemagne contre le favori, Charles, petit-fils de Maximilien 1er de Habsbourg. Les deux rivaux dépensent de l’argent sans compter pour séduire les grands électeurs allemands.
Au final, le 28 juin 1519, Charles est élu à l'unanimité et devient pour l'Histoire Charles V ou Charles-Quint. Par le biais de mirobolants héritages, il se trouve être le souverain des États autrichiens, bourguignons et espagnols, ainsi que des colonies espagnoles d’outre-mer, en plein essor depuis l’exploration du Nouveau Monde par Christophe Colomb un quart de siècle plus tôt.
La guerre ne tarde pas à éclater entre l’empereur et le roi de France. Elle se corse de querelles religieuses car, pendant que les deux souverains s'occupaient de leur élection, Martin Luther diffusait en Allemagne et au-delà une nouvelle religion, le protestantisme. Charles-Quint et François 1er rêvent d’asseoir leur domination sur l’Italie, riche, belle et divisée.
Désireux de nouer une coalition contre l’empereur, François 1er rencontre près de Calais, le 7 juin 1520, le roi d’Angleterre Henri VIII. Malgré le faste de ce «Camp du Drap d'Or», la rencontre tourne au fiasco et Henri VIII s’allie finalement avec l’empereur et le pape contre le roi de France.
La guerre menace à nouveau entre l'empereur et le roi de France. Le premier revendique la Bourgogne et conteste la souveraineté de François 1er sur le Milanais. Celui-ci est placé sous la garde du maréchal Odet de Foix, seigneur de Lautrec, médiocre capitaine qui ne doit sa promotion qu'à la protection de Françoise de Châteaubriant, maîtresse du roi. Lautrec pénètre avec ses troupes sur les territoires pontificaux, ce qui permet au pape Léon X de rendre publique son alliance avec Charles Quint ! Le 19 août 1521, les Milanais chassent la garnison française...
À l'ouest, en Navarre, une offensive d'Henri d'Albret, désireux de récupérer sa couronne de Navarre, est repoussée par les Espagnols. Enfin, au nord, l'offensive de Robert de la Marck, seigneur de Sedan, sur le Luxembourg est de même repoussée par les Impériaux qui menacent d'envahir la France. Et le roi d'Angleterre conclut l'alliance de Bruges avec l'empereur le 23 août 1521.
Pour ne rien arranger, le roi est trahi par le connétable Charles III de Bourbon dont il a malencontreusement saisi les immenses domaines. Charles, ayant rejoint Charles Quint, va devenir le meilleur de ses capitaines.
L'armée royale se concentre à Lyon au printemps 1523, puis passe les Alpes sous le commandement de l'amiral de Bonnivet et vient mettre le siège devant Milan au moment, en septembre 1523, où le connétable Charles de Bourbon fait défection. Le siège s'éternise et au printemps suivant, les Français doivent se replier dans la confusion. Bayard trouve la mort sur le chemin...
En juillet 1524, l'invasion menace plus que jamais. Tandis que les Anglais menacent d'entrer en Normandie et Charles Quint en Bourgogne, Charles de Bourbon envahit la Provence. Le roi est par ailleurs affecté par la mort de la reine Claude, à Blois, le 26 juillet 1524.
Mais une révolte des paysans inspirée par la Réforme luthérienne oblige Charles Quint à revenir en Allemagne cependant que Charles de Bourbon piétine devant Marseille et, harcelé par l'armée d'Anne de Montmorency, doit se retirer.
Plutôt que de se satisfaire de cette heureuse issue, François 1er décide de reprendre l'offensive dans le Milanais. Il met le siège devant Pavie, la «bien remparée». Dans la nuit du 23 au 24 février 1525, une attaque du connétable de Bourbon et des Impériaux aboutit à un désastre total. Le roi lui-même est capturé et ses meilleurs capitaines tués. Ainsi le maréchal de La Palice, l'amiral de Bonnivet, son oncle René de Savoie, Bussy d'Amboise ou encore Louis de La Trémoille. «De toutes choses ne m'est demeuré que l'honneur, et la vie qui est sauve», écrit François 1er à sa mère Louise de Savoie, qui va gouverner en son absence.
En captivité à Madrid, il se voit réclamer par l'empereur l'Artois, la Flandre et la Bourgogne. Henri VIII veut pour sa part rien moins que les anciens fiefs des Plantagenêts et Charles de Bourbon la Provence érigée en royaume indépendant ! Le roi, bien sûr, refuse. Sa mère, installée à Lyon et assistée par le chancelier Duprat, assure tant bien que mal la régence. Elle arrive à détacher Henri VIII de l'alliance avec Charles Quint, lequel voit ressurgir en Hongrie la menace turque.
À l'intérieur, le mécontentement gronde. Les parlementaires manifestent leur opposition au concordat de Bologne et s'en prennent également à quelques penseurs proches de la Réforme, qu'ils menacent de procès, tels Lefèvre d'Étaples et Guillaume de Briçonnet, évêque de Meaux. Le roi tente mais en vain de ramener le calme de sa prison de Madrid.
La paix est enfin signée le 14 janvier 1526. François 1er concède la cession de la Bourgogne, promesse qu'il se hâtera de renier sitôt sa liberté assurée, et le renoncement à ses droits sur le Milanais. Charles de Bourbon est rétabli dans ses droits mais cette promesse aussi ne sera pas tenue. En gage de bonne exécution du traité, les deux fils aînés du roi, François (10 ans) et Henri, (8 ans, futur Henri II), sont livrés en otage à l'empereur. L'échange a lieu sur la Bidassoa, dans le pays basque. Par ailleurs, François 1er obtient la main d'Éléonore d'Autriche, sœur de Charles Quint.
Mûri par les échecs et les malheurs, François 1er hisse Anne de Montmorency à la fonction de grand maître de l'armée. Philippe Chabot, seigneur de Brion, devient Amiral de France.
En juin 1526, les états de Bourgogne refusent d'être cédés à l'empereur et François 1er saute sur l'occasion pour contester le traité de Madrid. Peaufinant sa riposte, il noue une nouvelle coalition, la ligue de Cognac, avec Milan, Venise et le pape. Mais il ne fait rien pour empêcher l'invasion des États pontificaux et la mise à sac de Rome par les lansquenets du connétable de Bourbon.
Le roi d'Angleterre Henri VIII a besoin d'aide pour divorcer de Catherine d'Aragon, tante de Charles Quint, et épouser sa maîtresse Anne Boleyn. Il se rapproche de François 1er. Ce dernier en profite pour relancer la guerre en Italie. C'est un nouveau désastre. Le maréchal de Lautrec meurt avec les deux tiers de ses troupes, du fait du choléra, en tentant de marcher sur Naples. Le comte de Saint-Pol est capturé le 21 juin 1529 en tentant de reprendre Gênes. Mais Charles Quint n'est pas plus heureux. Il est menacé sur ses arrières par les princes luthériens mais aussi par les Turcs qui assaillent Vienne.
La paix s'impose à tous. Elle est négociée par Louise de Savoie et Marguerite d'Autriche à Cambrai, enfin signée le 5 août 1529, et pour cela appelée «paix des Dames».
Elle permet à François 1er de retrouver enfin ses deux fils. Ceux-ci franchissent les Pyrénées le 1er juillet 1530. Ils ne sont pas seuls mais accompagnés par Éléonore d'Autriche, veuve du roi du Portugal Manuel 1er et promise en secondes noces à leur royal père. Celui-ci, il est vrai, porte davantage d'intérêt à sa nouvelle favorite, Anne d'Heilly, demoiselle de Pisseleu, qui a succédé dans son cœur à Françoise de Châteaubriant et restera à ses côtés jusqu'à sa mort.
Le difficile chemin de la paix
En 1531, les frères du Bellay négocient une alliance entre le roi de France et les protestants allemands de la Ligue de Smalkade.
Très tôt, François 1er songe à une entente avec le sultan Soliman le Magnifique pour prendre en tenaille l'empire de Charles Quint. Il mène les négociations par l'intermédiaire d'un transfuge espagnol, Antonio Rincon. Dans le même temps, il prend langue avec le pacha d'Alger.
Une ambassade turque reçue à Châtellerault en 1535 négocie les «capitulations» avec Jean de La Forêt, lequel se rend aussi à Constantinople et à Alger où il demande au sultan et au pacha de monter des expéditions contre les alliés italiens de Charles Quint, Gênes et Naples. Les Capitulations offrent aux navires français le monopole du commerce avec les Ottomans et confient au roi la protection des Lieux Saints et des chrétiens d’Orient. Elles resteront en vigueur jusqu’à la fin du XIXe siècle.
La mort du dernier duc de Milan, François-Marie Sforza, en novembre 1535, convainc François 1er de reprendre les hostilités en Italie. Mais il a désormais du mal à trouver des alliés sur place. L'amiral Philippe Chabot envahit la Savoie. Charles Quint riposte en mettant à sac la Provence.
La mort suspecte du dauphin
Le 10 août 1536, le dauphin François meurt subitement, sans doute pour avoir bu glacé après une partie de jeu de paume endiablée. On soupçonne un empoisonnement par un espion à la solde de Charles Quint. Un serviteur italien, Sebastiano de Montecuculli, est jugé, condamné et exécuté dans un déchaînement de violence populaire en octobre 1536.
Le cadet Henri devient le nouveau dauphin. Avec lui monte l'étoile d'Anne de Montmorency, qui l'a initié à l'art militaire et est devenu son ami mais endure l'hostilité de la duchesse d'Étampes, maîtresse du roi. Il devient connétable en 1538 et évince son rival l'amiral Philippe Chabot, seigneur de Brion. Celui-ci est condamné pour malversation le 8 février 1541, privé de ses biens et emprisonné à Vincennes.
Le nouveau connétable Anne de Montmorency convainc le roi de se rapprocher de son rival, Charles Quint. On en vient à une nouvelle trêve, conclue à Nice en juin 1538 sous l'égide du pape Paul III. Le 14 juillet 1538, à Aigues-Mortes, François 1er et Charles Quint jouent la réconciliation. Celle-ci paraît complète quand, durant l'hiver 1539-1540, l'empereur débarque à Bayonne et traverse la France en vue d'aller réprimer une rébellion à Gand.
Mais François 1er, qui n'a pas renoncé au Milanais, ne tarde pas à reprendre les hostilités. Le 4 juillet 1541, son ambassadeur Rincon, en route pour Constantinople, est assassiné par des soldats impériaux près de Pavie. À la suite de quoi le roi déclare la guerre le 12 juillet 1542. Ce revirement consacre la disgrâce de Montmorency, privé de ses charges à la grande satisfaction de la duchesse d'Étampes, et le retour de l'amiral Chabot. Le chancelier Poyet, homme-lige de Montmorency (et rédacteur de l'ordonnance de Villers-Cotterets) va à son tour en prison, victime de la vindicte du roi.
Charles Quint s'allie avec Henri VIII contre François 1er. Tandis que Charles Quint intervient en Champagne, l'armée française pénètre en Italie et vainc les Impériaux à Cérisoles le 11 avril 1544. Les combattants, épuisés, consentent à la paix de Crépy-en-Laonnois le 18 septembre 1544.
Le 7 juin 1546, quelques mois avant sa mort, François 1er fait également la paix avec l'Anglais Henri VIII à Ardres. Il laisse le royaume dans une paix précaire.
La France au XVIe siècle
Cliquez pour voir
Cette carte montre l'extension territoriale de la France sous les règnes de François 1er, Henri II et Henri IV.

La Couronne récupère la Bretagne et les apanages du connétable, Calais et les Trois-Évêchés, ainsi que le Béarn...
Un État moderne et centralisé
François 1er, quand il n'est pas à la guerre, aime prendre du bon temps au milieu de sa cour et des belles femmes, de château en château. Avec lui, la Renaissance, mouvement artistique et intellectuel né en Italie, prend son essor en France.
Mais le roi, poussé par les nécessités financières et administratives, réforme aussi les institutions nationales et renforce l'État. Avec le concours de sa mère, Louise de Savoie, le roi réduit à merci ses derniers grands vassaux, dont le connétable de Bourbon. Il amorce dès lors la centralisation administrative du royaume. Le centre en est la Cour, autrement dit l'ensemble des personnes qui vivent dans l'intimité du souverain : serviteurs, vassaux, officiers... Au total 5000 à 6000 personnes qui accompagnent le souverain dans ses incessants voyages de château en château.
«Empereur en son royaume», François 1er renforce son autorité sur l'administration. «Ci veut le roi, ci veut la loi» et «Car tel est notre bon plaisir» sont des formules inédites qui en attestent. Délaissant la noblesse d'épée, il s'appuie pour gouverner sur la noblesse de robe, des magistrats anoblis. François 1er multiplie les fonctions de service et les offices, tous confiés à des nobles : Grand Écuyer, Grand Chambellan, Connétable, Grand Amiral.... Ces serviteurs et officiers constituent la Maison du roi et le servent avec dévouement, ce qui n'exclut pas (au contraire) la corruption et les détournements de fonds. En manière d'avertissement, le roi fait juger et pendre son ancien intendant des finances, Jacques de Beaune, baron de Semblançay.
Soucieux de son confort et du prestige de la couronne, François 1er fait embellir ou construire une bonne douzaine de châteaux, dont Blois et surtout Chambord. Il modernise aussi son administration et subdivise son Conseil en services spécialisés avec à leur tête des ministres et des Secrétaires d’État.
Toujours à l'initiative du chancelier Duprat, le roi, en manque d'argent, recourt à des expédients financiers. Il inaugure en 1522 les premiers emprunts publics et commence à vendre les charges d’officiers ou fonctionnaires, d’où l’attrait que conserve jusqu’à nos jours, en France, la fonction publique.
François 1er invente la dette publique... et la loterie
Menacé sur plusieurs fronts, François 1er a besoin en premier lieu d'argent. En septembre 1522, pour financer la guerre à venir, il instaure le système de la dette publique. Il lance un emprunt de 200.000 livres auprès des Parisiens, garanti sur les recettes de l'Hôtel de ville et rémunéré par une rente perpétuelle (très avantageuse) de 8,33% par an.
Quelques années plus tard, le 21 mai 1539, encore une fois à court d'argent, il introduit dans son royaume la loterie, une invention florentine. Ce sont des innovations dont ses successeurs, jusqu'à nos jours, sauront se souvenir.
De retour de sa captivité de Madrid, en 1526, le roi découvre un peuple appauvri et des finances publiques en déficit.
Ses financiers font tout ce qu'ils peuvent pour collecter les sommes requises par les guerres et les dépenses de la cour. Comme ils sont responsables sur leurs deniers de la levée des impôts, ils ne se privent pas pour en détourner une partie au passage. L'indignation grandit dans le peuple contre ces financiers compétents mais prévaricateurs. François 1er décide de faire un exemple. Jacques de Beaune, seigneur de Semblançay et vicomte de Tours, passe donc en procès le 9 août 1527. Il est pendu trois jours plus tard à Montfaucon, comme un vulgaire roturier, et ses biens sont confisqués.
À Lyon, sa ville de résidence favorite, dont il a songé à faire sa capitale, la paix de Cambrai réduit beaucoup de monde au chômage, en conséquence de quoi une grande révolte (la «Grande Rebeyne») éclate le 25 avril 1529.
Le roi entreprend un nouveau voyage à travers le pays, avec la cour, pour se sortir de ses soucis. Il prépare l'intégration de la Bretagne au domaine royal. Il se passionne aussi pour les explorations ultramarines, avec son ami, l'amateur dieppois Jean Ango. C'est ainsi que Jacques Cartier découvre le Canada.
François 1er accueille à Marseille, le 8 octobre 1533, la petite Catherine de Médicis, nièce du pape Clément VII, promise à son fils Henri, futur Henri II. Il met la main au passage sur le comté de Montbéliard.
Mais la fin de son voyage est gâchée par «l'affaire des placards», à Blois, point culminant des premières tensions entre calvinistes et catholiques.
Le français, langue de l'administration
Parmi les grandes réformes à l'actif du roi figure l’ordonnance de Villers-Cotterêts, signée le 10 août 1539. Elle institue l'état civil (enregistrement obligatoire des naissances, mariages et décès par les curés) ; elle exige par ailleurs que tous les actes légaux et notariés soient désormais rédigés en français et non plus seulement en latin, la langue des élites.
Tensions religieuses
Dans les années qui ont suivi la prédication de Luther, les idées de la Réforme se sont introduites en France, sans toutefois déboucher systématiquement sur une rupture avec l'Église catholique.
C'est ainsi que l'évêque de Meaux Guillaume II Briçonnet, neveu du financier Semblançay, préconise le retour à une conduite plus évangélique.
Un «cercle de Meaux» se forme autour de lui, pour discuter de l'Évangile et moraliser le clergé. Il a les encouragements de Marguerite de Navarre, la propre sœur du roi, qui accueille dans son château de Nérac les membres du Cercle, parmi lesquels Lefèvre d'Étaples. En 1533, Marguerite, qui a aussi un réel talent littéraire, publie anonymement un poème mystique : Le miroir de l'âme pécheresse. Au plus fort de la crise ouverte par Luther, toutes ces bonnes intentions sentent le soufre.
François 1er freine autant qu'il le peut les attaques du Parlement et de la Sorbonne, mais sa patience est mise à l'épreuve par la mutilation d'une statue de la Vierge, à Paris, rue du Roi-de-Sicile, le 31 mai 1528, par un fanatique.
Marguerite de Navarre fuit la cour et s'établit à Pau et Nérac en 1542. Elle écrit un pendant au Décaméron de Boccace : L'Heptaméron, qui est publié anonymement en 1559.
Triste fin de règne
Dans ses dernières années, François 1er, malade, a la douleur de voir le Dauphin Henri s'éloigner de lui. Dans le royaume, répression, révoltes et massacres témoignent des malheurs du peuple.
En 1544, L'Institution de la religion chrétienne de Jean Calvin est brûlée publiquement sur ordre de la Sorbonne. La répression s'accentue : 40 bûchers à La Rochelle et 5 à Meaux en 1546, 18 en 1547...
Le cardinal Guillaume du Bellay étant mort en 1543, les Vaudois, adeptes d'une innocente secte évangélique des Alpes, ne bénéficient plus de sa protection. Le baron d'Oppède Jean Maynier, premier président du parlement de Provence, attaque ces «Pauvres du Christ» dont les terres jouxtent opportunément les siennes. Entre le 13 et le 23 avril 1545, 2700 personnes sont massacrées.
La répression frappe également l'imprimeur Étienne Dolet qui s'était réfugié à Lyon. Il est brûlé place Maubert le 3 août 1546. Le groupe de Meaux est quant à lui liquidé le 8 septembre 1546 avec l'arrestation de 60 de membres. 14 sont condamnés au bûcher.
La révolte gronde qui plus est dans le royaume accablé d'impôts. L'Ouest se rebelle en 1542 contre un édit sur la gabelle. Le roi lui-même se rend à La Rochelle le 31 décembre 1542 pour recueillir la reddition des rebelles.
En 1548, dans l'année qui suit la mort de François 1er, la révolte s'étend à Bordeaux, qui est durement châtiée par l'armée de Montmorency.
Bibliographie
Pour qui s'intéresse à ce règne charnière de l'Histoire de France, je recommande la biographie complète et passionnante de Sylvie Le Clech : François 1er (Tallandier, 2006).

Aucun commentaire: