dimanche 9 mars 2014

Un film interdit, pour l’honneur des Cristeros

 Sorti en 2012, porté par des acteurs de talent, il sera enfin distribué en France en mai prochain. Ce film est magistral, et voici pourquoi.
Cristeros raconte l’histoire de la révolte des Cristeros au Mexique, entre 1926 et 1929. Le président, Plutarque Calles, applique des lois anticléricales et essaye d’extirper le christianisme du Mexique. Les prêtres étrangers sont expulsés, les biens de l’Église nationalisés, les écoles fermées. Les Mexicains essayent de s’opposer à ces lois de façon pacifique, par des manifestations et des pétitions. Ces moyens n’aboutissant pas, ils prennent les armes, à partir de 1926. C’est la révolte du Christ Roi, les Cristeros, où au cri de Viva Cristo Rey, le peuple mexicain attaque l’armée fédérale. Trois ans de guerre civile épouvantable, où les armées de l’État répriment les villageois, torturent les opposants, brûlent les villages. La Cristiada rejoint la grande révolte de la Chouannerie pendant la Révolution française.
Au bout de trois ans de guerre, un accord est trouvé. Les lois sont maintenues, mais elles ne sont pas appliquées. Néanmoins, les restrictions religieuses demeurent, ainsi que les vexations à l’encontre des catholiques.
Sorti en 2012, le film sera sur les écrans français à partir de mai 2014, même s’il est déjà accessible en DVD. Ce film est magistral. Il est servi par des acteurs de talents : Andy Garcia (Le Parrain 3), Peter O’Tool (Lawrence d’Arabie) dans un de ses derniers rôles, Eva Longoria. La mise en scène est impeccable. Les scènes de batailles haletantes, le jeu des acteurs est de grande qualité, notamment Andy Garcia, qui joue le rôle du Général Enrique Gorostieta.
Ce général ne croit pas en Dieu, il n’adhère pas à la cause des Cristeros, mais ceux-ci l’ont embauché pour conduire leur armée. Au fil des épreuves il finit par se convertir, et à adhérer pleinement à la cause qu’il a dirigée. N’étant pas un spécialiste de la révolte des Cristeros, il ne m’est pas possible de donner un jugement historique sur le film. Je constate toutefois que la plupart des personnages du film ont existé, et que la trame du fond est plutôt fidèle à la réalité historique.
Ce film m’inspire toutefois trois remarques historiques.
1/ Le premier concerne la censure qu’il subit. Alors que tant de navets sont diffusés en France, ou sont en sélection au Festival de Cannes, le fait que ce film, esthétiquement très beau, bien joué et bien mis en scène, soit diffusé avec autant de difficulté témoigne de la pesanteur intellectuelle et morale qui écrase le monde de la culture. Son histoire n’est pas sans rappeler celle de Katyn. Mais cette censure est contournée par Internet, qui a permis de le faire connaître et d’assurer sa sortie en salle. La censure se heurte donc au développement des technologies qui ouvrent un espace de liberté autrefois inexistant.
2/ Deuxièmement, le fait que le gouvernement liberticide de Calles soit arrivé légalement et démocratiquement au pouvoir, et qu’il s’y soit maintenu même après la guerre civile. C’est un grave problème de la démocratie, sur lequel on ne s’interroge pas assez. La démocratie, en fait le suffrage universel, est censée assurer la liberté des populations. Sauf que de nombreux régimes liberticides sont arrivés au pouvoir grâce au suffrage universel. D’autre part, on voit des hommes obéir aux ordres injustes du gouvernement, martyriser des populations civiles innocentes, torturer des enfants, comme le petit José Sanchez del Rio, torturé de façon ignominieuse, la plante des pieds arrachée et contraint de marcher pied-nu jusqu’au cimetière où il fut abattu, en 1928, à l’âge de 14 ans. Comment des hommes ont-ils pu appliquer cet ordre ?
Nous sommes là au cœur de ce qu’Étienne de la Boétie appelle la servitude volontaire. Ce n’est pas le tyran qui tyrannise, mais les hommes qui appliquent les ordres du tyran. Ce sont les soldats fédéraux qui ont tué les prêtres, ceux qui ont abattu José Sanchez, ceux qui ont voté pour ce gouvernement liberticide. La démocratie n’est pas le rempart de la liberté contre la tyrannie, bien souvent elle est même une autre forme de tyrannie. Il y a là ce mystère, sur lequel de nombreux auteurs se sont penchés sans parvenir à le résoudre : comment des hommes peuvent, volontairement, rejeter leur liberté et contribuer à bâtir un système anti humain ? Nous sommes là au-delà de l’idéologie. Nous sommes là au cœur du mystère du communisme et du nazisme.
3/ Troisièmement, le combat pour l’histoire, c’est le combat pour la mémoire. Trop de mémoire tue, ou empêche de vivre, surtout s’il n’y a pas de pardon. Mais l’absence de mémoire tue aussi. L’habileté des régimes liberticides est de ne pas évoquer un événement. Et si l’événement en question n’est plus évoqué, alors il n’existe pas, il n’a jamais existé. Ce fut le cas avec Katyn, avec le génocide vendéen, avec les Cristeros. On jette l’acide de l’oubli pour faire disparaître un événement dangereux. C’est l’acide de la négation, contre laquelle les historiens se doivent de prémunir les populations.
Alors, regardez Cristeros, c’est un grand film, et c’est un film important pour empêcher l’oubli.
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