vendredi 5 septembre 2014

Il y a 100 ans, Charles Péguy tombait pour la France

Le 5 septembre 1914, Charles Péguy tombait pour la patrie.
L’Action française tient à rendre hommage à cet écrivain français, grand patriote républicain.
Appel au soldat (Barrès), Appel des armes (Psichari) : la guerre est une sommation, une convocation, une vocation, et Péguy fut toujours appelé, et il passa sa brève existence à répondre, comme Jeanne d’Arc, la sainte cuirassée de sa vie, comme un chrétien fidèle, soucieux de tenir la place à lui assignée. Que la mystique soit aussi — et peut-être surtout — temporelle, le soldat confronté à sa propre mort tout autant qu’à celle, possible, de son pays, le sait de source sûre. Au terme de son baroud : l’honneur, cette chose si cornélienne, si française, et le sacrifice — autrement dit, le sacré, voire, la sainteté. C’est ainsi que Péguy passa une partie de la nuit du 3 au 4 septembre 1914, avant-veille de sa mort, à prier et à fleurir l’autel de la Vierge dans la petite chapelle Notre-Dame de Montmélian, à Saint-Witz (Val d’Oise), où sont exposés les instruments de la Passion : la croix, la lance, les marteaux et les clous. Une inscription en fait foi : « Ces instruments de la Passion ont été sculptés dans le bois par un berger de la colline. » Un berger, pour le paysan qui arpentait le Quartier latin avec une pèlerine et de gros souliers, une colline inspirée pour le presque ultime paysage français à dévorer des yeux, une Croix pour une parfaite récapitulation.
Péguy dans la boutique des Cahiers
Le lieutenant Péguy, comme beaucoup, pense que la guerre sera courte — pas plus de trois mois — et annonce avec une emphase naïve à une amie, le 4 août 1914 : « Je pars soldat de la République pour le désarmement général et la dernière des guerres ». Le 15 août, il assiste à la messe de l’Assomption à Loupmont ; le lendemain, il écrit à sa femme, à Blanche Raphaël-Bernard (son grand amour platonique) et à Jeanne Maritain (la soeur de Jacques) leur demandant, s’il ne revenait pas, de faire chaque année le pèlerinage de Chartres ; il prie aussi Blanche Raphaël de réciter chaque jour le Notre Père, la Salutation angélique et le Salve Regina.
Le 5 septembre, le régiment quitte Vémars en prévision de l’offensive décidée pour le lendemain par le commandant des armées de Paris. La bataille de l’Ourcq s’engage vers midi. Les Allemands, depuis la colline de Monthyon, bombardent le sixième bataillon que les hommes de Péguy s’efforcent de soutenir. Ordre est donné de partir à l’assaut, baïonnette au fusil. Traversée d’un champ d’avoine canardé par l’ennemi. Le bataillon s’abrite derrière un talus près de la route Yverny-Chauconin, à côté de Villeroy. Le capitaine Guérin donne l’ordre de traverser le champ de betteraves qui se trouve de l’autre côté. A peine a-t-il parlé qu’il s’effondre. Péguy hurle : « Je prends le commandement ! » Debout, il dirige le tir de ses hommes et les exhorte : « Tirez ! Tirez ! Nom de Dieu ! » Refusant de se mettre à couvert, une balle l’atteint en plein front. Dans un souffle, il murmure : « Ah ! mon Dieu !… mes enfants !… » Il est cinq heures et demie.
Le capitaine d’Estre, envoyé sur le champ de bataille, note le lendemain : « Premier de la ligne, le chef de section, un lieutenant, est tombé à sa place règlementaire. Je l’examine avec un soin particulier, minutieusement, pieusement (…). C’est un petit homme d’apparence chétive (…). Il est couché sur le ventre, le bras gauche replié sur la tête. Ses traits (…) sont fins et réguliers, encadrés d’une barbe broussailleuse, teintée de blond, mais paraissant grisâtre du fait de la poussière, car il est jeune encore, trente-cinq à quarante ans tout au plus. L’expression du visage est d’un calme infini. Lui aussi paraît plongé dans un profond sommeil. A son annulaire gauche, une alliance. Je me penche sur la plaque d’identité : Péguy. Il s’appelait Péguy. Ce nom ne me dit à ce moment-là absolument rien car je suis à mille lieues par la pensée des Cahiers de la quinzaine, du poète de Jeanne d’Arc et de toute littérature. »
Martyre de Péguy. Et l’on songe au Christ du Dialogue de l’histoire et de l’âme charnelle : « La mort est facile à subir, mon enfant, dans les littératures et dans les héroïsmes des littératures. Elle est aussi facile à subir pour qui ne voit point, pour celui qui ne la mesure pas, pour celui qui n’a pas le sens, qui n’a aucun sens de la réalité. Or il n’avait aucune teinte, aucun soupçon des littératures ni des héroïsmes des littératures, il voyait et il mesurait, il était la réalité même. Et il prenait sa mort en plein, il prenait sa mort de front… »
Rémi Soulié - L’AF 2892
Une intéressante vidéo via Le Salon Beige

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