jeudi 23 juillet 2015

Jeanne, l'essence de la France

Alain Bournazel raconte l'équipée de Jeanne d'Arc, dont il révèle le génie militaire. En pédagogue, il replace cette épopée dans l'ensemble de la grande histoire de France.
Quand un historien, chef de collection aux Presses universitaires de France, rencontre un autre historien, spécialiste de l'histoire militaire, quand, de plus, l'un et l'autre sont de grands défenseurs de la nation française, cela donne un magnifique hommage à notre héroïne nationale. C'est ainsi que nous nous réjouissons de la publication de la Jeanne d'Arc (1412-1431)  d'Alain Bournazel, dans la collection Figures et Plumes que dirige le professeur Jean-Paul Bled. La sainte de la patrie rejoint donc, entre autres, Homère, Socrate, Jules César, Charlemagne dans une collection facilement accessible aux étudiants.
Guerre de Cent ans
Certes, les livres sur Jeanne d'Arc sont aujourd'hui légion, mais celui d'Alain Bournazel n'a pas son pareil pour replacer de façon très pédagogique l'épopée de Jeanne dans l'ensemble de la grande histoire de France. La longue guerre entre la France et l'Angleterre ne se comprend qu'en remontant à 1066, année où Guillaume de Normandie, vassal du roi de France, devint roi d'Angleterre. Un roi qui devait quand même toujours l'hommage au roi de France ! Situation qui se compliqua au fur et à mesure que les alliances matrimoniales ajoutaient à la puissance du roi anglais, lequel interprétant les lois dynastiques à son profit se mit à revendiquer la couronne de France. Ce fut alors la guerre de Cent ans qui mit la France en grand péril jusqu'au honteux traité de Troyes (1420) lequel réduisit les possessions du dauphin Charles à quelques territoires au sud de la Loire. Les Anglais avaient déjà assiégé Orléans. Humainement la situation était désespérée.
L'exploit inespéré d'Orléans
C'est alors qu'apparut une jeune fille de dix-sept ans, venue de Domrémy, en Lorraine. Alain Bournazel reprend toutes les étapes de l'équipée extraordinaire, mais en connaisseur il révèle le génie militaire de la jeune fille qui, ignorant les bien-pensants au bon sens borné, délivra Orléans le 8 mai 1429 : « Le siège durait depuis sept mois ; dix jours suffirent à Jeanne pour libérer la ville. L'exploit inespéré, inconcevable d'une femme, d'une paysanne, venue de sa lointaine province pour s'imposer parmi les hommes, dans le métier des armes, avait de quoi éberluer les cours, les villes et les chaumières. Dieu ou le diable, on quittait l'ordre naturel des choses. »
En fait on le quittait pas, on le voyait de plus haut, car Jeanne gardait les pieds sur terre tout en regardant le ciel. La preuve : sa volonté sans faille de partir aussitôt faire sacrer le roi Charles à Reims. Il fallait rétablir l'ordre normal des choses pour que la France recouvrât l'autorité, l'unité et l'espérance. Sans quoi l'on n'aurait pas chassé les Anglais...
Là encore la plume experte d'un militaire retrace les campagnes prodigieuses qu'eut à mener celle qu'on appelait alors la Pucelle d'Orléans tant sur la route de Reims que dans les mois suivants. Jusqu'à sa capture à Compiègne le 23 mai 1430, suivie de son ignoble procès où sa foi sublime bien ancrée en son patriotisme lui dicta de si courageuses réparties. Puis la condamnation et le bucher à Rouen le 30 mai.
Le catalyseur de l'unité nationale
Ses juges, tous du parti de l'étranger, avaient cru confondre une "sorcière", mais ils n'eurent pas le dernier mot, car dès que les Anglais furent partis, vers 1450, Charles VII fit ouvrir une information en vue de la révision du procès. Cela aboutit à sa canonisation le 16 mai 1920 et à l'institution de la fête nationale de Jeanne d'Arc le 10 juillet de la même année. Mais depuis déjà fort longtemps Orléans fêtait chaque année le souvenir de sa délivrance, tandis qu'à Paris, renforcé encore par la guerre de 1914-1918, le culte de l'héroïne nationale animait les coeurs français. M. Bournazel aurait pu signaler ici le rôle déterminant et périlleux que joua l'Action française au début du XXe siècle dans ce renouveau du culte de Jeanne.
Il termine toutefois ce beau petit livre magnifiquement illustré et qui pousse à redécouvrir cet événement essentiel de notre histoire, en rappelant que la sainte de la patrie est « consubstantielle à l'idée même de la nation française qui prit conscience d'elle-même en se rassemblant autour de la puissance royale ». Il ajoute qu'en ce Moyen Âge finissant où la société se fissurait et se cherchait en de nouvelles structures, elle apparaît comme « l'essence de la France ». Suivre ce « puissant catalyseur de l'unité nationale », c'est assurément reprendre confiance en Dieu qui n'abandonnera jamais la France tant qu'il y aura des Français prêts à donner leur vie pour elle.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 2 au 15 juillet 2009

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