jeudi 17 septembre 2015

La dentelle du rempart (II)

Dans cette anthologie de 350 pages, on trouve les points les plus importants de la doctrine de Maurras, non en un exposé sec mais dans une diversité vivante, reflet d'une riche pensée.
Continuons à parler de La Dentelle du rempart. Les textes qui constituent ce florilège furent choisis par Bernard Grasset et René Brécy (1). On peut imaginer ensuite le contrôle rigoureux et bienveillant de Maurras. Mme Tresguenas-Mistral, digne héritière du poète, glana des Pensées variées « piquées » dans l'intervalle des chapitres « comme pour ouvrir les jours d'une dentelle dans l'épaisseur d'un rude appareil ».
La nation
La première partie s'intitule La Terre et la Nation : un extrait du Discours préliminaire de l'Enquête sur la Monarchie montre qu'une nation est une société naturelle qui dure. Une page sur Démosthène défendant l'indépendance athénienne face aux abandons de la démocratie définit le sentiment national. Un texte dédié à Jacques Bainville, La France séquanienne et la France provençale, illustre la richesse et la légitime diversité d'une nation.
La deuxième partie, Les Conflits de l'histoire, expose, par des exemples, les bienfaits de l'hérédité monarchique en France et, en opposition, les calamités que nous devons à la République (un texte emprunté à Quand les Français ne s'aimaient pas).
L'Avenir nous présente « l'éducation de Monck », le militaire, le haut-fonctionnaire, l'homme politique républicain repenti qui entreprend de restaurer la monarchie. Mais elle ne se restaure pas comme par enchantement et il ne s'agit pas de remplacer le bonnet phrygien par une couronne sans réformes profondes, sans restauration de l'Ordre après avoir nettoyé les écuries d'Augias. Dictateur et Roi constitue un des plus beaux morceaux d'anthologie. La quatrième partie du recueil s'appelle Principes et Pensées : on y trouve des pages sur la notion d'Ordre, sur l'idée de Civilisation. Le Dilemme de Marc Sangnier fournit l'essentiel du chapitre avec l'Ordre romain et l'Ordre catholique qui le reprend et le transfigure.
Un exemple et des leçons
Puis viennent les Poèmes civiques, le magnifique hymne à Paris, d'abord, des extraits de l'Ode à la bataille de la Marne où Maurras chante la civilisation française, enfin des extraits du Mystère d'Ulysse, lourds d'un message crypté de philosophie politique. Sixième partie, Libéralisme et libertés, Démocratie et peuple, définissent clairement des notions trop souvent laissées floues.
Vient ensuite une longue section consacrée à Romantisme et Révolution, d'après le titre d'un livre dont l'édition définitive (2) donne une des clefs de la pensée de Maurras : y sont réunis Trois Idées politiques et L'Avenir de l'Intelligence, magistrale et prophétique analyse de l'abaissement et de l'asservissement des esprits que nous connaissons. On y voit les ravages esthétiques, moraux et sociaux, donc politiques, d'une façon de sentir et de penser née de Rousseau. Maurras y oppose les certitudes de la science politique.
La huitième partie se nomme La Guerre. Bien que le premier texte s'intitule Récit des temps mérovingiens, il s'agit de la Grande Guerre qui reste d'actualité quoi qu'en disent les étourneaux qui nous gouvernent. La neuvième partie porte le nom de Sépultures : Maurras y rend hommage aux jeunes gens d'Action française tombés pour la patrie, dont Pierre David, « héros juif d'Action française ». À cet hommage aux morts, il oppose le goût romantique de la mort que symbolise Chateaubriand
Chacun son tour !
Enfin, dixième et dernière partie, une Confession politique tirée du Signe de Flore : « Bien qu'on l'ait beaucoup dit, je ne suis pas né royaliste. Je ne suis même pas tout à fait un Blanc du Midi, comme Barrès aimait à l'écrire. » À travers de longs tâtonnements, le jeune Maurras vint à la monarchie et n'eut de cesse d'y entraîner ses contemporains. Qu'après lui, par son exemple et ses leçons, nous y entraînions les nôtres !
Je recommande à tous, et particulièrement aux jeunes gens, la lecture de ce livre. On y trouve en 350 pages les points les plus importants de la doctrine, non en un exposé sec mais dans une diversité vivante, reflet d'une riche pensée. Comme on y voit l'homme, l'artiste et le penseur, les idées politiques ne sont pas coupées des sources vives de la vie intérieure de Charles Maurras.
Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 3 au 16 décembre 2009
1 - Nous avons parlé de Bernard Grasset dans le précédent article. René Brécy était le pseudonyme d'Eugène Langevin (1878-1956), collaborateur fidèle et talentueux du quotidien d'Action française. Il participa à de nombreux recueils de textes sur Maurras et Bainville. André Marty le cite souvent dans L'Action française racontée par elle-même (Nouvelles Éditions Latines, 1968).
2 - Bibliothèque des OEuvres politiques, 1928.

Aucun commentaire: